ACCOMPAGNER
L’AUTOFORMATION
EN FORMATION PAR ALTERNANCE
:
une approche tri-dimensionnelle
conduite par la réflexion sur l’expérience
1 L’Autoformation comme
point d’articulation de dimensions
1.1 une définition : l’action du
sujet qui se forme en articulant différentes sources de formation
1.2 Un fil conducteur :
réfléchir l’expérience professionnelle pour produire des savoirs
1.3 une articulation en 3
dimensions : expérientielle, didactique et existentielle
2 L’accompagnement :
une posture éducative propice au développement de l’autoformation
2.1 pour aider à la construction de
la forme
2.2 pour développer l’autonomie
2.3 pour favoriser le travail
réflexif
3 les
types d’accompagnement de l’autoformation
Cette réflexion prend ancrage sur mon contexte professionnel qui est celui de la formation par alternance dans le milieu industriel. Elle cherche à optimiser ce type de formation qui représente, de manière condensée le rythme de formation d’un adulte tout au long de sa vie : périodes de formations expérientielles, périodes de formations plus formelles.
La question qui se pose, particulièrement aux jeunes dans ce type de formation, mais plus généralement à tout adulte en construction est comment alterner ces périodes de manière intégrative et non plus juxtapositive ?
Comment la réflexion sur l’expérience professionnelle peut conduire les apprenants à se former par eux-mêmes et pour eux-mêmes en articulant formation expérientielle et formation formelle? Par la même, l’autoformation peut-elle être un point d’articulation possible dans un modèle ternaire de la formation qui permettrait de répondre à la question : « Existe t’il une articulation souterraine de ce tout terrain ? » (B. Courtois et G. Pineau)
Au delà du champ des institutions éducatives et de la formation, quelles postures éducatives originales convient-il d’adopter s’il s’agit alors d’accompagner la réflexivité du sujet sur son expérience ?
Le vaste champ de l’autoformation se cristallise sous la définition commune « d’apprendre par soi-même ». Je considère donc l’autoformation comme une démarche autonome de production de savoirs. Et pour ce faire, je retiendrais une définition plus précise proposant une articulation possible de l’autoformation à travers 3 dimensions.
Cette définition de l’autoformation proposé par P. Galvani s’appuie sur le modèle tri-polaire de la formation défini par G. Pineau et se prête au contexte de formation par alternance. En effet, les sources peuvent être :
· le pôle « hétéro », la formation reçue des autres, celle dispensée en centre de formation
· le pôle « éco », l’expérience directe des choses et des éléments, la formation pratique en entreprise
· le pôle « auto », action définie par P. Galvani comme un double processus réflexif, une prise de conscience de soi comme étant formé par les autres (hétéro) et par les choses (éco) et une appropriation du pouvoir de formation par lui-même et de son application à lui-même.
La réflexion sur l’expérience professionnelle peut amener l’apprenant à se former pour lui-même et par lui-même en articulant ces différentes sources de formation. Par un mécanisme de prise de conscience, cette expérience transformée pilote la production de savoirs.
La première
démarche de réflexion s’effectue en situation de travail, dans l’entreprise et
dans l’action. Cette formation expérientielle définie « par contact direct
mais réfléchi » par G. Pineau amène l’apprenant à constituer un bagage
expérientiel. La réflexion a postériori, par un travail d’exploration et de
prise de conscience, permet d’identifier ses
savoirs d’action.
Dans la continuité de cette réflexion après coup, ces savoirs peuvent évoluer en les explicitant et les problématisant. Cette démarche permet d’acquérir des savoirs théoriques, abstraits. Ceux-ci pourront constituer une conceptualisation qui peut entraîner des expérimentations en entreprise, de nouvelles expériences génératrices de savoirs d’expérience et donc de compétences, définies comme un ensemble de savoirs en action.
Cette réflexion sur l’expérience professionnelle permet de placer l’autoformation comme point d’articulation des différentes sources de formation en lui définissant des dimensions.
· Une dimension expérientielle, articulant le pôle éco et auto grâce à la formation expérientielle professionnelle
· Une dimension didactique, articulant le pôle hétéro et auto grâce à une articulation de la formation expérientielle et formelle
· Une dimension existentielle, qui englobe l’ensemble. En effet, cette démarche autonome de production de savoirs ne peut se faire sans avoir éclairci au préalable le sens de ses apprentissages : éclaircir le sens pour favoriser la motivation et déterminer son autodirection puisqu’il s’agit bien d’appropriation de son pouvoir de formation.
Les dimensions de
l'autoformation
dans la formation par alternance
Dans cette perspective, l’équipe pédagogique reconnaissant cette autoformation devra re-définir son rôle. Au-delà de « former », il s’agira d’accompagner les apprenants dans leur propre processus d’autoformation.
En effet, le propre de la posture d’accompagnement étant « la centration inconditionnelle sur la personne de l’autre en devenir » (Guy le Bouëdec), il s’agira dans cette démarche de développement personnel qu’est la situation de formation, de tout faire pour aider l’apprenant à mobiliser ses propres ressources pour s’approprier le pouvoir sur sa formation.
Cheminer à ses côtés pour le confirmer dans ce nouveau sens où il s’engage. L’accompagnement de l’autoformation des apprenants proposera une méthodologie centrée sur la production de savoirs et de sens, par et pour l’apprenant.
Considérant l’autoformation comme « l’action du sujet qui se forme en articulant différentes sources de formation », les accompagnateurs devront l’aider à construire sa propre forme. Ils devront faire en sorte que l’apprenant puisse bâtir un état cohérent, équilibré entre ses apprentissages expérientiels et ses apprentissages plus formelles, structuré par le sens et la motivation qu’il donne à ses apprentissages.
Cette forme se construit grâce à l’autonomie de l’apprenant. Celle-ci est dynamisante s’il a éclairci au préalable le sens de cette formation. C’est sur ce sens que se développera sa motivation et donc son autodirection dans ses apprentissages. Il s’agira de l’accompagner pour définir son pouvoir et sa capacité à assumer la responsabilité de ses apprentissages. Pour l’aider dans cette démarche, il faudra préciser avec lui ses degrés d’autodirectionnalité (P, Carré) : le « micro-niveau » pour concevoir et mettre en œuvre ses projets d’apprentissage, le « méso-niveau » pour mettre au point ses ressources d’auto-apprentissage et le « macro-niveau » pour caractériser son pouvoir dans ses décisions globales de gestion et d’orientation relatives à ses apprentissages.
L’autoformation de l’apprenant se développera par sa propre réflexion sur son expérience professionnelle. Dans cette perspective, l’accompagnement vise la réflexivité de l’apprenant sur son expérience et les formateurs devront favoriser le questionnement sur son expérience professionnelle. Cet accompagnement se caractérise par une méthodologie visant le développement de ses capacités d’apprentissages.
La posture adoptée sera celle favorisant la transition, la transformation. Ce ne sera « ni un expert, ni un contrôleur, ni un hiérarchique… mais un facilitateur, un passeur, un intercesseur, un conseiller (au sens de « tenir conseil), un éveilleur, un veilleur, un émancipateur » » (Alexandre Lhotellier).
Pour préciser le type de ces accompagnateurs de l’autoformation, je me suis inspirée des « figures-types d’accompagnement bio-cognitif » présentées par G. Pineau. En effet, s’agissant de l’accompagnement de l’autoformation, il s’agit bien d’aider à la construction de la forme comme processus vital (bio) et à la production des connaissances (cognitif), caractérisée par l’action de soi comme prise de conscience d’être formé par les autres (hétéro) et les choses (éco) et comme appropriation de son pouvoir de formation par soi-même et pour soi-même.
Pour synthétiser ma problématique,
je propose un tableau définissant les dimensions de l’autoformation, en
précisant pour chacune, l’orientation générale, la démarche privilégiée et les
figures-types d’accompagnement bio-cognitif repérées.
Tableau n°1 : Les types d’accompagnement de
l’autoformation dans une formation par alternance *
Dimensions de l’autoformation |
Expérientielle |
Didactique |
Existentielle |
Orientation
générale de l’accompagnement de l’autoformation |
Accompagner
l’exploration et le développement des savoirs d’action |
Accompagner
l’acquisition et la production des savoirs théoriques |
Accompagner
l’exploration et la prise de conscience du sens et de la motivation |
Démarche
privilégiée |
-
Formation expérientielle -
Exploration de l’action Ä de l’action à la prise de
conscience Ä explicitation |
-
Questionnement critique de l’expérience professionnelle Ä identification de
situations problèmes Ä Problématisation |
-
Eclaircir le sens et la motivation -
Déterminer le degré d’autodirectionnalité des apprentissages Ä projets d’apprentissage |
Figures-types
d’accompagnement bio-cognitif |
-
Modèle -
Guide -
Conseiller |
-
Conseiller -
Médiateur |
-
Médiateur |
* Construit à partir « des dimensions de l’autoformation » de P. Galvani et « Les figures types d’accompagnement bio-cognitif » G. Pineau
L’alternance intégrative en formation, celle qui allie apprentissages expérientiels et apprentissages formels devient possible pour un apprenant, apprenti ou plus généralement adulte en formation, si on encourage sa réflexion sur son expérience professionnelle, reconnaît et valorise son autoformation à travers ses expériences diverses.
Bien loin de considérer alors l’autoformation comme une « soloformation », il devient nécessaire d’en définir son accompagnement.
Pour construire « cette véritable pédagogie de la voie et non du modèle » (A.Lhotellier), nous aurons besoin de tuteurs, d’enseignants, de formateurs, véritables facilitateurs, médiateurs, conseillers, dont il convient d’en préciser les postures en terme d’accompagnement.
Des pratiques d’accompagnement plurielles certes, mais qui se centrent sur la personne en devenir. « Cet accompagnement vise à favoriser l’articulation de l’expérience et des connaissances, il encourage une formation permanente qui se vit dans l’alternance de formations expérientielles non formelles et de situations réflexives. » (projet de manifeste du GRAF mai 2000).