Nelly Leselbaum
Philippe
Carré, dans son article sur l’autoformation publié dans le Dictionnaire
Encyclopédique de l’Education et de la Formation (ed. Nathan) montre comment la
notion d’autoformation traduit un renversement de perspective pédagogique. Il
conclut cet article en précisant que l’autoformation représente un foyer
fédérateur des pédagogies de la responsabilité et de l’autonomie. De fait, à
l’heure actuelle, la recherche d’un comportement plus autonome, plus
responsable des élèves apparaît aussi bien aux chercheurs qu’aux praticiens
comme le seul moyen pour l’école de relever le défi du 21° siècle [1]
Mais l’histoire des pédagogies dans les cinquante
dernières années en France est jalonnée de renoncements à la généralisation des
pédagogies de la responsabilité et de l’autonomie connues sous différents
labels (pédagogies de soutien, études dirigées, aide au travail personnel,
travail personnel encadré, etc.)
En ce domaine, le dernier fait marquant, date de la
rentrée scolaire de 2002. Malgré l’annonce officielle de la généralisation des
Travaux Personnels Encadrés (T.P.E.) au B.O. du 11 janvier 20001 le Ministre de
l’Education Jack Lang, a finalement renoncé à la généralisation de cette
pédagogie dans les lycées (voir le Monde du 15 juin 2001) au motif de son
incompatibilité » avec le Baccalauréat.
Dans
le cadre de notre réflexion sur les conditions qui favorisent, au sein de
l’institution scolaire, l’apprentissage d’une autoformation permanente des
sujets sociaux nous tenterons de proposer des hypothèses explicatives à nos
yeux au sein de l’école .
C’est une pédagogie
qui veut faire acquérir à l’élève (en travail individuel ou de groupe), une
maîtrise de ses méthodes de travail, grâce à un développement de sa capacité à
prendre des initiatives pour progresser dans ses connaissances par le
renouvellement des sources de savoir et d’information traditionnelle et
virtuelle.
Cette pédagogie use de
méthodes d’apprentissages personnels, inspirées fortement de méthodes de
pédagogie active, pour donner davantage d’initiative et de responsabilité à
l’élève dans son travail.
De quelle façon ?
En le mettant le plus souvent possible –à l’occasion de son travail scolaire et
hors de ce cadre- en situation de prendre de telles initiatives, d’avoir à
effectuer des choix, et de prendre des décisions pour mener à bien des recherches qui présentent un
intérêt pour lui-même et pour son orientation future.
Dans cette pédagogie,
on apprend à l’élève, à passer par différentes étapes
·
D’abord définir et
élaborer les thèmes sur lesquels il travaille ;
·
Ensuite chercher ses
sources de documentation en fonction des formes de réalisations qu’il a
choisies ;
·
Enfin présenter les
résultats de ses recherches aux autres élèves de la classe et surtout les
évaluer en fonction des normes et des critères variés.
Les aides pédagogiques
sont multiples. C’est d’abord le Centre de Documentation (ou les bibliothèques)
où le sujet s’autoformant trouve les sources de son savoir dans tout ce que les
médias peuvent lui proposer.
Pour conclure sur ce
point on dira que c’est une pédagogie qui vise l’individualisation mais dont
l’effort est solidaire d’un accès à une émancipation, à une autonomisation des
sujets formés et non à une position individualiste de ces sujets
1. La
formation des enseignants reste inadaptée à la pratique de ces pédagogies .
On sait que la
formation des maîtres a connu de profonds changements avec notamment la mise en
place des I.U.F.M.[2]. Mais cette
formation ne prépare pas encore à des pratiques pédagogiques
« autonomisantes ». Bien au contraire, pour des raisons à la fois
institutionnelles et politiques, la préparation au métier de l’enseignement est
restée figée dans ses objectifs, ses processus, et ses programmes.
Les rôles des
enseignants se sont peu élargis et les recherches concernant cette formation
sont toujours restées aussi rares . On doit même avouer, ainsi que l’affirme
Antoine Prost dans son dernier rapport au Ministre de l’Education et de la
Recherche[3]
« personne n’est en mesure de dire, avec un minimum de fiabilité, comment
les divers I.U.F.M. forment aujourd’hui les enseignants de demain. »
Or, sur quoi
devrait porter la formation des enseignants actuellement pour développer
l’autoformation de leurs élèves ?
Sans entrer dans les
détails, nommons au moins quelques-uns uns des éléments fondamentaux qu’il faudrait initier au sein du dispositif
parce qu’ils y font totalement défaut.
- La formation à la Phase d’accueil des formés,
- L’établissements de Bilans de connaissances (prenant
en compte les différents types de raisonnement et les cursus antérieurs du
formé)
- Les négociations de parcours avec le formé etc.
Il faudrait aussi
tenter de faire acquérir un ensemble de compétences et de savoirs–faire
comme :
Savoir effectuer une reconnaissance et une
validation des acquis individuels ;
Savoir aider les formés à construire un
projet de formation qui leur soit personnel et qui entre dans leur projet de vie professionnelle ;
Mettre à leur disposition les ressources
nécessaires au développement de l’autonomie de leur personne ;
Assurer un suivi des itinéraires
professionnels ou à défaut, mettre à la disposition des formés des
personnes-ressources pour les aider à poursuivre leur progression
professionnelle en accord avec leur identité professionnelle etc.
On peut assurer que
ces processus de formation qui font actuellement partie intégrante de tout
formateur d’adultes, ne sont pas appliqués dans les formations dispensées en
I.U.F.M.
Les enseignants ne
seraient-ils pas considérés comme des adultes ?
2. L’accroissement
des sources d’information et de communication des savoirs non scolaires
entraîne une forte demande d’éducation mais paradoxalement différente
Les jeunes en effet et
les adultes réclament davantage d’école.
Mais cette demande a changé de forme.
Les solutions
uniquement didactiques ne répondent plus aux besoins de notre société. Un livre
comme «apprendre ensemble : pour une pédagogie de l’autonomie »
illustre bien qu’on ne peut plus ignorer la dimension humaine et
professionnelle de l’enseignement ; Il ne suffit plus d’acquérir à l’école
des connaissances rapidement dépassées. On attend d’apprendre à mettre en œuvre
des méthodes de travail pour acquérir la capacité de se former en permanence. .
L’individualisation
des pratiques de formation se confond avec une formation au cours de laquelle une
«authentique communication » entre formés et formateur prend la place des
relations traditionnelles d’autorité.
Et dans ces diverses
tentatives, la visée des sujets en formation doit privilégier les valeurs
éthiques et éducatives comme le respect des identités sociales et culturelles,
multiples et différentes.
Cette demande voudrait
que l’école développe les capacités d’initiative et de responsabilité du formé,
en lui présentant des cheminements différents, parmi lesquels il choisira en
fonction des priorités qu’il s’est fixées et dans le cadre de la promotion
maximale de son être.
En conclusion, apprenant à effectuer des choix personnels et libres, le formé veut
devenir progressivement l’acteur de sa formation et précisément dans les
processus d’apprentissage qui le concernent. Il attend des institutions, y
compris l’institution scolaire qu’elles évaluent ses savoirs- faire et
accordent les certifications diplômantes nécessaires à son intégration sociale
et professionnelle
[1] La pédagogie de l’autonomie et son impact dans les diverses situations d’apprentissages Victor Marbeau CRDP Poitou Charentes 1992
[2] L’an IV des I.U.F.M Nelly Leselbaum Ed La documentation Française 1995
[3] Pour un programme stratégique de recherche en éducation Antoine Prost La documentation française 2002