Je vais d’abord essayer de regrouper l’ensemble
des travaux et publications autour des quatre points clés qui permettent
d’organiser mon itinéraire de recherche et la
nature de mes travaux :
1.
Stratégies et
figures d’apprentissage chez les
étudiants en formation initiale,
en formation continue, et chez les jeunes chercheurs (doctorants). Nous nous sommes intéressé à la détermination des
liens entre l’investissement universitaire, le rapport au savoir et les
caractéristiques et figures d’apprentissage et d’autoformation chez les
étudiants, sans doute le problème le moins décrit (et étudié), bien que sans
doute identifiable. L’absence de réflexion globale et approfondie sur le
fonctionnement de l’investissement universitaire, contraste avec l’influence
notoire et durable de la formation à l’université sur le devenir de la
personnalité et des perspectives professionnelles des étudiants.
D’autre part, en prenant aussi pour objet d’étude une population de
doctorants et de jeunes chercheurs, nous avons tenté de rendre compte des
conditions et des possibilités de ces trajectoires et expériences
« rares » et « solitaires » et de la genèse de leurs
dispositions cultivées, en d’autres termes, de la « vocation » de
recherche, de construction d’objets et de reproduction de
savoirs comme processus d’autoformation (par voie
isolée, solitaire et semi-instituée).
2.
Stratégies
d’apprentissage et
d’autoformation dans le
cadre de la société de l’information. Dans
le cadre de la notion de professionnalité, nous avons engagé aussi des
recherches-action sur les stratégies d’apprentissage devant
les nouvelles machines et outils modernes. A mesure que nous avançons dans
l'ère de l'informatique, des autoroutes de l'information et du multimédia, se
développe un nouveau mode d'apprentissage et d'outils qui peuvent radicalement
changer notre manière de penser et d'apprendre. Dans ce développement social des
"machines", les objectifs et les finalités d'apprentissage et
d’autoformation tendent à changer le fonctionnement de l'intelligence et la
"catégorie intellectuelle" à réfléchir pour agir.
3.
Processus et
stratégies de professionnalisation chez les enseignants et les professionnels
de formation d’adultes
comme démarche d’autonomisation. Le
projet de
professionnalisation est vécu par les enseignants en poste ou en formation, comme la capacité de
capitaliser le savoir et l'expérience, de réfléchir
sur sa pratique pour la restructurer. D'où l'importance de la
construction, en formation initiale, d'un habitus professionnel ou d'une
professionnalité capable d'une auto-transformation et d'une adaptation
continue. L'expérience pourrait, dès la formation initiale dans un cadre
universitaire, préprofessionnelle (stages etc. ) ou professionnelle (IUFM)
prendre la forme d'une pratique à la fois "réelle" et réflexive, permettant la construction de cette
professionnalité qui favorise l’autonomie, la prise d’initiative et
l’actualisation de soi..
4.
Valeurs, normes
et règles dans les pratiques de formation et
d’autoformation. L’origine
des normes de comportements des autoformants et des
autodidactes s’inscrit dans la perspective ouverte des processus d’apprentissage adaptatif
et de découverte. Il semble que les stratégies d’apprentissage et d’action
s’inscrivent dans un ensemble de procédures de décision représentées par des
dynamiques ouvertes, qui subissent des modifications structurelles, de façon à
améliorer l’adaptation à l’environnement. L’apprentissage prend la forme d’une
courbe évolutionniste.
Le terrain et cadre théorique : nos résultats de recherche s’appuient
sur des recherches fondamentales et sur des données empiriques. Le cadre
théorique en construction et les problématiques de recherches et de
formation sont
passées d’une quête de cohérence à une quête de sens à partir
d’un travail empirique. La mise en ordre et en forme des démarches de la recherche et de la formation, s’est
faite autour de séries de concepts-clés et d’approches et méthodes
longitudinales (Analyse de contenu, statistique textuelle, méthodes
log-linéaires ( modélisation log- linéaires des tables de contingence), récits de vie,
entretiens biographiques,…
Mes
travaux de l’année écoulée portent sur trois thèmes forts :
·
Expérience
autoformatrice et intériorité (et intuition) : ce travail s’inscrit dans les travaux du
« groupe expérience et autoformation ». Je
m’occupe d’un axe qui porte sur le processus intuitif
dans l’expérience autoformatrice. Ce processus est toujours présent dans la
pratique, comme une pensée qui investit directement son objet, qui est à la
fois contact et compréhension, connaissance immédiate sans interposition de
signes ni de procédés expérimentaux ou déductifs. L’intuition comme
l’expérience est structuration adaptative du réel, elle peut-être décrite comme
une conduite intelligent, organisant les situations de manière que les parties
y soient saisies dans leurs relations nécessaires au tout. Cette organisation,
comme le souligne la psychologie de la forme (gestalistes) ne s’accomplit pas
par une progression pas à pas, mais de façon soudaine et totale (insight =
vision intérieur).
De même type que
l’expérience, l’intuition posséde un caractère d’immédiateté,
auquel on relie en général d’autres caractères, celui d’une pensée
anticipatrice qui devance les preuves, ou d’une compréhension profonde qui va
de l’apparence vers la réalité ds choses (cette acceptation générale laisse
place à de nombreux types de l’intuition, s’échelonnent entre l’appréhension
sensible et l’intellection pure).
·
Démarche de la
recherche, autoformation et
intersubjectivité : ce
travail à la croisée des chemins entre formation initiale,
formation continue et intersubjectivité, expose les résultats d’une recherche
qualitative effectuée auprès de 30 doctorants et de 40 directeurs de thèses. La
collecte d’information a été réalisée par trois méthodes entrecroisées et
alternatives : l’observation participante, des entretiens et de
témoignages en profondeur et études de documents (thèses, rapports,..).
L’objectif de cette recherche est d’identifier les parcours que suivent les doctorants et des jeunes chercheurs selon deux
objets : la démarche de thèse et de l’accompagnement proprement dit, qui mène à la construction de
la connaissance ; le cheminement qui s’inscrit dans une temporalité (temps, durée, vécu) de la décantation. Une
temporalité en spirale où les choses peuvent évoluer tout en restant sans cesse
à reprendre. La décantation étant le point de jonction de deux parcours :
celui de la recherche et de l’apprentissage de la recherche et celui de l’accompagnement
comme mode spécifique d’interactivité.
Les étapes identifiées aident à mieux comprendre
ce que vivent les doctorants et les directeurs de thèse et elles peuvent, en
conséquence, contribuer à orienter le soutien à leur apporter, dans une perspective
de formation et
d’autoformation à et par
la recherche.
·
Les ruses de l’apprentissage et
cultures d’autoformation: l’autoformant peut être définie
comme un homme doté de la ruse (métis). Il est en effet capable de résoudre à
son avantage, n'importe quelle situation, même la plus critique, précisément
parce que, ne pouvant utiliser les moyens habituels pour résoudre ce problème,
il trouve, avec son génie, les expédients par le moyen desquels, il parvient à
un résultat qui lui est favorable. La ruse est une voie ou un moyen employé
par l’intelligence, qui tire profit de l’expérience. Elle peut aussi être
caractérisée comme le moyen le plus subtil pour arriver à ses fins. Nous
avons étudié la ruse chez les Arabes qui s’appuie sur le potentiel de l’homme
d’exception et pas seulement sur le potentiel de la situation. Le changement,
le mouvement, le déplacement, la capacité de vaincre un obstacle, l’invention
d'artifices et de trucs et la maîtrise de l’intervalle de temps où les choses basculent,…viennent de l’homme
“ d’exception ” ou d’un outil inventé par lui, outil capable – par un
principe d’économie – de réaliser les objectifs, ou de détourner de son but une
volonté fourvoyée. De cette étude, nous présentons la
configuration de la ruse qui correspondrait à une démarche d’autoformation :
1.
La ruse est créatrice, car elle possède la
capacité de construire avec les données de la situation et les données de
l’imagination des nouvelles représentations-solutions qui démêlent les
intrigues les plus complexes et les plus inaccessibles aux regards.
2.
La ruse est le fruit d’une intelligence qui
tire profit de l’expérience et d’une forte initiative.
3.
La ruse comporte une progression dans les
actes minimes pour arriver au but ultime
ou le choix et l’utilisation d’un moment favorable.
4.
La ruse est technique : c’est moyen
subtil ou outil capable d’exécuter un travail donné en mettant en œuvre un
principe d’économie qui semble aller à l'encontre des lois de la nature.
En
tant que membre actif du GRAF, j’ai un rêve, celui de contribuer d’une façon
décisive – et grâce aux échanges et aux débats de qualité avec l’ensemble des
graphistes et de la communauté scientifique – à la construction d’une théorie
de l’autoformation, avec un champ spécifique et autonome, qui transcende les différences et les planètes.
J’ai
pris l’initiative de mettre en œuvre un « bulletin de l’autoformation », qui fonctionnera au début comme une
« gazette », et ensuite comme une revue scientifique avec comité de
lecture. Le premier numéro est prévu pour le symposium du 28-29 mai 2003.
Pierre Landry participe déjà à la gestion de la « gazette ». Toutes
aides ou implications dans ce projet sont les
« très » bienvenues.
J’ai lancé l’idée, bien accueillie par le GRAF, d’un colloque mondial sur l’autoformation au Maroc, . Le projet d’organiser un 3e congrès mondial dans un pays de la zone sud, afin que puissent être pris en compte les problématiques des pays du sud (Afrique, Maghreb,…) quant à l’autoformation. Il semblerait que le Maroc soit parmi les pays pressentis comme lieu de déroulement du congrès. Ce colloque est un partenariat entre plusieurs universités de France et de l’étranger : (UPJV (Amiens), CNAM (Paris), Paris X-Nanterre (Paris), Université François Rabelais (Tours), Université de Montréal (Canada), Université de Fès, de Marrakech, d’Agadir et de Rabat, Université d’Oran, Université de Tunis,…. Également, Toutes aides ou implications dans ce projet sont les « très » bienvenues.