Contribution de Mohammed Melyani

j Mes axes de recherche.

Je vais d’abord essayer de regrouper l’ensemble des travaux et publications autour des quatre points clés qui permettent d’organiser mon itinéraire de recherche et la nature de mes travaux :

 

1.      Stratégies et figures d’apprentissage chez les étudiants en formation initiale, en formation continue, et chez les jeunes chercheurs (doctorants). Nous nous sommes intéressé à la détermination des liens entre l’investissement universitaire, le rapport au savoir et les caractéristiques et figures d’apprentissage et d’autoformation chez les étudiants, sans doute le problème le moins décrit (et étudié), bien que sans doute identifiable. L’absence de réflexion globale et approfondie sur le fonctionnement de l’investissement universitaire, contraste avec l’influence notoire et durable de la formation à l’université sur le devenir de la personnalité et des perspectives professionnelles des étudiants.

D’autre part, en prenant aussi pour objet d’étude une population de doctorants et de jeunes chercheurs, nous avons tenté de rendre compte des conditions et des possibilités de ces trajectoires et expériences « rares » et « solitaires » et de la genèse de leurs dispositions cultivées, en d’autres termes, de la « vocation » de recherche, de construction d’objets et de reproduction de savoirs comme processus d’autoformation (par voie isolée, solitaire et semi-instituée).

 

2.      Stratégies d’apprentissage et d’autoformation dans le cadre de la société de l’information. Dans le cadre de la notion de professionnalité, nous avons engagé aussi des recherches-action sur les stratégies d’apprentissage devant les nouvelles machines et outils modernes. A mesure que nous avançons dans l'ère de l'informatique, des autoroutes de l'information et du multimédia, se développe un nouveau mode d'apprentissage et d'outils qui peuvent radicalement changer notre manière de penser et d'apprendre. Dans ce développement social des "machines", les objectifs et les finalités d'apprentissage et d’autoformation tendent à changer le fonctionnement de l'intelligence et la "catégorie intellectuelle" à réfléchir pour agir.

 

3.      Processus et stratégies de professionnalisation chez les enseignants et les professionnels de formation d’adultes comme démarche d’autonomisation.  Le  projet de professionnalisation est vécu par les enseignants en poste  ou en formation, comme la capacité de capitaliser le savoir et l'expérience, de réfléchir  sur sa pratique pour la restructurer. D'où l'importance de la construction, en formation initiale, d'un habitus professionnel ou d'une professionnalité capable d'une auto-transformation et d'une adaptation continue. L'expérience pourrait, dès la formation initiale dans un cadre universitaire, préprofessionnelle (stages etc. ) ou professionnelle (IUFM) prendre la forme d'une pratique à la fois "réelle" et réflexive, permettant la construction de cette professionnalité qui favorise l’autonomie, la prise d’initiative et l’actualisation de soi..

 

4.      Valeurs, normes et règles dans les pratiques de formation et d’autoformation. L’origine des normes de comportements des autoformants et des autodidactes s’inscrit dans la perspective ouverte des processus d’apprentissage adaptatif et de découverte. Il semble que les stratégies d’apprentissage et d’action s’inscrivent dans un ensemble de procédures de décision représentées par des dynamiques ouvertes, qui subissent des modifications structurelles, de façon à améliorer l’adaptation à l’environnement. L’apprentissage prend la forme d’une courbe évolutionniste.

Le terrain et cadre théorique : nos résultats de recherche s’appuient sur des recherches fondamentales et sur des données empiriques. Le cadre théorique en construction et les problématiques de recherches et de formation sont passées d’une quête de cohérence à une quête de sens à partir d’un travail empirique. La mise en ordre et en forme des démarches  de la recherche et de la formation, s’est faite autour de séries de concepts-clés et d’approches et méthodes longitudinales (Analyse de contenu, statistique textuelle, méthodes log-linéaires ( modélisation log- linéaires des tables de contingence), récits de vie, entretiens biographiques,…

k Travaux depuis le dernier symposium.

Mes travaux de l’année écoulée portent sur trois thèmes forts :

 

·        Expérience autoformatrice et intériorité (et intuition) : ce travail s’inscrit dans les travaux du « groupe expérience et autoformation ». Je m’occupe d’un axe qui porte sur le processus intuitif dans l’expérience autoformatrice. Ce processus est toujours présent dans la pratique, comme une pensée qui investit directement son objet, qui est à la fois contact et compréhension, connaissance immédiate sans interposition de signes ni de procédés expérimentaux ou déductifs. L’intuition comme l’expérience est structuration adaptative du réel, elle peut-être décrite comme une conduite intelligent, organisant les situations de manière que les parties y soient saisies dans leurs relations nécessaires au tout. Cette organisation, comme le souligne la psychologie de la forme (gestalistes) ne s’accomplit pas par une progression pas à pas, mais de façon soudaine et totale (insight = vision intérieur).

De même type que l’expérience, l’intuition posséde un caractère d’immédiateté, auquel on relie en général d’autres caractères, celui d’une pensée anticipatrice qui devance les preuves, ou d’une compréhension profonde qui va de l’apparence vers la réalité ds choses (cette acceptation générale laisse place à de nombreux types de l’intuition, s’échelonnent entre l’appréhension sensible et l’intellection pure).

 

·        Démarche de la recherche, autoformation et intersubjectivité : ce travail à la croisée des chemins entre formation initiale, formation continue et intersubjectivité, expose les résultats d’une recherche qualitative effectuée auprès de 30 doctorants et de 40 directeurs de thèses. La collecte d’information a été réalisée par trois méthodes entrecroisées et alternatives : l’observation participante, des entretiens et de témoignages en profondeur et études de documents (thèses, rapports,..).

L’objectif de cette recherche est d’identifier les parcours que suivent les doctorants  et des jeunes chercheurs selon deux objets : la démarche de thèse et de l’accompagnement proprement dit, qui mène à la construction de la connaissance ; le cheminement qui s’inscrit dans une temporalité (temps, durée, vécu) de la décantation. Une temporalité en spirale où les choses peuvent évoluer tout en restant sans cesse à reprendre. La décantation étant le point de jonction de deux parcours : celui de la recherche et de l’apprentissage de la recherche et celui de l’accompagnement comme mode spécifique d’interactivité.

Les étapes identifiées aident à mieux comprendre ce que vivent les doctorants et les directeurs de thèse et elles peuvent, en conséquence, contribuer à orienter le soutien à leur apporter, dans une perspective de formation et d’autoformation à et par la recherche.

 

·        Les ruses de l’apprentissage et cultures d’autoformation: l’autoformant peut être définie comme un homme doté de la ruse (métis). Il est en effet capable de résoudre à son avantage, n'importe quelle situation, même la plus critique, précisément parce que, ne pouvant utiliser les moyens habituels pour résoudre ce problème, il trouve, avec son génie, les expédients par le moyen desquels, il parvient à un résultat qui lui est favorable. La ruse est une voie ou un moyen employé par l’intelligence, qui tire profit de l’expérience. Elle peut aussi être caractérisée comme le moyen le plus subtil pour arriver à ses fins. Nous avons étudié la ruse chez les Arabes qui s’appuie sur le potentiel de l’homme d’exception et pas seulement sur le potentiel de la situation. Le changement, le mouvement, le déplacement, la capacité de vaincre un obstacle, l’invention d'artifices et de trucs et la maîtrise de l’intervalle de temps où les choses basculent,…viennent de l’homme “ d’exception ” ou d’un outil inventé par lui, outil capable – par un principe d’économie – de réaliser les objectifs, ou de détourner de son but une volonté fourvoyée. De cette étude, nous présentons la configuration de la ruse qui correspondrait à une démarche d’autoformation :

1.          La ruse est créatrice, car elle possède la capacité de construire avec les données de la situation et les données de l’imagination des nouvelles représentations-solutions qui démêlent les intrigues les plus complexes et les plus inaccessibles aux regards.

2.          La ruse est le fruit d’une intelligence qui tire profit de l’expérience et d’une forte initiative.

3.          La ruse comporte une progression dans les actes minimes pour arriver au but ultime  ou le choix et l’utilisation d’un moment favorable.

4.          La ruse est technique : c’est moyen subtil ou outil capable d’exécuter un travail donné en mettant en œuvre un principe d’économie qui semble aller à l'encontre des lois de la nature.

l Activités au sein du GRAF :

En tant que membre actif du GRAF, j’ai un rêve, celui de contribuer d’une façon décisive – et grâce aux échanges et aux débats de qualité avec l’ensemble des graphistes et de la communauté scientifique – à la construction d’une théorie de l’autoformation, avec un champ spécifique et autonome, qui transcende les différences et les planètes.

J’ai pris l’initiative de mettre en œuvre un « bulletin de l’autoformation », qui fonctionnera au début comme une « gazette », et ensuite comme une revue scientifique avec comité de lecture. Le premier numéro est prévu pour le symposium du 28-29 mai 2003. Pierre Landry participe déjà à la gestion de la « gazette ». Toutes aides ou implications dans ce projet sont les « très » bienvenues.

J’ai lancé l’idée, bien accueillie par le GRAF, d’un colloque mondial sur l’autoformation au Maroc, . Le projet d’organiser un 3e congrès mondial dans un pays de la zone sud, afin que puissent être pris en compte les problématiques des pays du sud (Afrique, Maghreb,…) quant à l’autoformation. Il semblerait que le Maroc soit parmi les pays pressentis comme lieu de déroulement du congrès. Ce colloque est un partenariat entre plusieurs universités de France et de l’étranger : (UPJV (Amiens), CNAM (Paris), Paris X-Nanterre (Paris), Université François Rabelais (Tours), Université de Montréal (Canada), Université de Fès, de Marrakech, d’Agadir et de Rabat, Université d’Oran, Université de Tunis,…. Également, Toutes aides ou implications dans ce projet sont les « très » bienvenues.