En dehors de ma contribution au « Collectif
du Moulin »[1], mes travaux
de l’année écoulée se sont essentiellement appuyés sur une formation dont je
suis responsable au CNAM (cette formation a été initiée avec ma collègue du
CNAM et du GRAF, Claude DEBON) : le « DPC-ISSAM », à l’adresse
des emplois-jeunes. C’est une formation originale à plus d’un titre : elle
vise, dans le même temps à
« professionnaliser », à doter les auditeurs d’un diplôme et à
élaborer leur projet professionnel et de formation. Dans le temps biographique
spécifique du passage à la vie professionnelle, elle travaille à faire en sorte
que des jeunes, en situation d’échec à l’université et souvent stigmatisés sur
le marché de l’emploi, se développent en tant qu’acteur social dans la
vie professionnelle et acteur de leur projet.
Une première contribution[2]
caractérise ce diplôme dans ces différentes dimensions. La deuxième travaille
plus particulièrement la notion du temps et de la
subjectivation[3]. Elle situe
comment ce travail de « subjectivation » se développe sur fond de
« trame » temporelle construite en particulier par l’institution de
formation. Le « rythme » est l’élément essentiel
qui noue le processus dynamique
de subjectivation et la dimension instituée. Il est constitutif de la
configuration. Par ailleurs, l’exemple de cette formation vient indiquer que
les processus d’autoformation prennent
corps et s’insèrent dans et par un ensemble de liens, de tissu, de trames, etc.
dans lequel l’individu s’insère. Un cadre institué, formalisé, et aussi
contraignant, se révèle en l’occurrence producteur d’autoformation.
Il s’énonce dans le prolongement de ce
qui est évoqué plus haut : les processus d’autoformation sont analysés en rapport avec le contexte social. J. Dumazedier définissait l’autoformation comme un nouveau rapport entre l’individu
et l’institution. C’est ce point de vue que je veux poursuivre, en tentant de
caractériser ce cadre « institutionnel » en essayant de penser en
même temps le « processus » d’autoformation et ce contexte
« socio-institutionnel ».
Les travaux de M. Foucault, repris et
développés sur certains points par G Deleuze, offrent des pistes qui me
semblent intéressantes. Succinctement : nous aurions quittés la
« société disciplinaire » pour la « société de contrôle ».
La première a découpé le social en temps (travail, formation, loisir, etc.) et espace cloisonnés,
dans lesquels l’institution (l’école, l’entreprise, la famille, etc.) imposait
une discipline pour forger l’individu dans une masse indifférenciée. Dans ce
contexte, l’autonomisation (et l’autoformation) ne peut être que révolte et
émancipation.
La deuxième ignore ces cloisonnements.
Les frontières entre sphères d’activité deviennent poreuses (l’exemple du temps de travail en est révélateur). Les transitions sont constantes
entre les différents milieux (ce qu’exprime la notion de « formation tout au long de la vie »). La domination également
change de nature : à la discipline se substitue le « contrôle »,
au « moule », « la modulation », c’est-à-dire des faisceaux
de « sollicitation – incitation – contrôle » qui participent
à orienter les parcours personnels et professionnels des individus.
Je tire personnellement de ces
analyses les idées suivantes, la première d’ordre « principielle »,
la deuxième permettant une opérationnalisation en termes de recherche :
Dans ce cadre théorique général,
mon projet d’études pour l’année qui vient est d’étudier la singularité de
parcours de formation et parcours professionnels développés du fait de l’offre de
Formation Ouverte et à Distance dans la Région des Pays de Loire. Il se trouve que cette région
bénéficie maintenant d’une certaine ancienneté qui doit permettre de faire
émerger un certain nombre d’observations. Cette offre ne recouvre pas des
cursus complets. Elle a néanmoins permis le développement de parcours articulant des segments d’offre « à
distance » et des segments traditionnels. Quels sont ces individus (quel
« capital », au sens de Bourdieu, quelles ressources, etc.) ? Quels sont les
effets d’apprentissage développés par la pratique de ces dispositifs (compétences
« d’autodirection »), etc. ? Quelle
mobilité professionnelle et géographique ?
Autrement
dit, il s’agit, par cette étude, d’avoir des remontées sociologiques sur les
effets de la transformation de l’offre de formation dans le
cadre du développement territorial.
[1] Collectif du Moulin (2002). Intégrer les formations
ouvertes. Résultats et analyses d’une conférence de consensus. L’harmattan.
[2] Moisan André (2003). Une propédeutique professionnelle
comme une des réponses de formation aux emplois-jeunes, in Les
emplois-jeunes : nouveaux métiers, nouvelles professionnalités, Textes
réunis par Vasconcellos M.-D., Éditions du Conseil Scientifique de l’Université
Charles-de-Gaulle - Lille 3. Pp 113-131
[3]
Moisan, A. (à paraître). Les temps de l’insertion professionnelle : rythmes
et rites de la subjectivation. Le cas des emplois-jeunes du DPC-ISSAM du CNAM.
In Figures du temps - Les nouvelles temporalités du travail et de la
formation.
L’harmattan.