Du dispositif accompagné au
dispositif accompagnant
par Didier Paquelin,
université de Bordeaux
Voici deux
termes, « dispositif » et « accompagnement » qui trouvent
aujourd’hui une place dans les discours pédagogiques, politiques et
économiques. Examinons tour à tour chacun d’eux et regardons plus précisément
leur relation avec le terme « autoformation ».
Foucault
définit le dispositif comme
« Un
ensemble résolument hétérogène, comportant des discours, des institutions, des
aménagements architecturaux, des décisions réglementaires, des lois, des
mesures administratives, des énoncés scientifiques, des propositions
philosophiques, morales, philanthropiques, bref : du dit, aussi bien que
du non-dit. Le dispositif lui-même, c’est le réseau qu’on peut établir entre
ces éléments. » (Foucault, 1975)
Chartier
rappelle que
« Dans
le champs de la pédagogie, le terme « dispositif »est souvent utilisé
de façon banale pour désigner un ensemble de moyens organisés, définis et
stables, qui sont le cadre d’actions réitérables, conduites pour répondre à un
problème récurrent. » (Chartier, 2000 : 207)
Pour
Linard, le dispositif est
« fondé sur la mise en système des
agents et des conditions d'une action...un dispositif est une construction
cognitive fonctionnelle, pratique, incarnée. Il présuppose quelqu'un derrière
la représentation préalable de l'effet visé et une logique de type dramatique
qui combine la mise en scène des protagonistes, des rôles et des circonstances
avec les règles du déroulement de l'action. » (Linard, 1998)
Le
collectif de Chasseneuil précise qu’un dispositif de formation ouverte et à
distance
- est un dispositif organisé,
finalisé, reconnu comme tel par les acteurs,
- qui prend en compte la
singularité des personnes dans leurs dimensions individuelle et collective,
- et repose sur des situations d’apprentissage
complémentaires et plurielles en termes de temps, de lieux, de médiations
pédagogiques humaines et technologiques, et de ressources.
Pour
Fusulier et Lannoy,
« Le dispositif
organise le changement sans passer par la contrainte. Il aménage un espace d’effectivité,
c’est-à-dire pour reprendre Lojkine : un espace où l’on fait effectivement
ce que l’on veut faire (Lojkine, 1998 : 47). La force de cet espace est de
concilier une effectivité plurielle, celle des gestionnaires qui, à travers le
dispositif, comptent bien atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés, et
celle des multiples usagers. »
« Le
dispositif libère en même temps qu’il régule : autrement dit, il régule la
liberté. En effet, le rôle du dispositif n’est pas de contraindre à un type de
comportements déterminés, mais d’organiser un espace d’effectivité de
comportements librement choisis mais en accord avec les finalités
déterminées » (Fusulier, Lannoy, 2000 : 189)
Concevoir et vivre son dispositif est un acte social,
socialisé et socialisant accompagné. Accompagnement pensé et vécu comme une
posture du « à côté de ».
« L’accompagnement
ne consiste donc aucunement à transmettre un savoir, à donner des conseils, à
faire de l’intervention. Il s’agit de permettre à l’autre de signer ce qu’il
vit, de l’endosser dans son style, son rythme, son profil psychologique, ses
problèmes et ses interrogations… L’accompagnement présuppose que l’accompagnant
ne croit pas avoir déjà fait le chemin, sinon cela l’autoriserait à se poser
« en avant », à montrer la voie (ce qui revient à changer de
posture) : il chemine lui aussi, et donc il ne peut pas être dans un
rapport purement fonctionnel avec l’autre. » (Le
Bouëdec,1998 : 62-63)
Ce que l’on peut retenir de
ces définitions
Le
dispositif est un objet complexe, qui demande à l’apprenant de se situer dans
une logique appropriative, qui permettra à ce dernier de construire ses
règles d’action, de mobiliser ses capacités d’auto-direction. Pour l’apprenant,
vivre un dispositif, c’est avant tout tisser un réseau signifiant,
construire une homogénéité issus d’espaces hétérogènes. Cette construction du
dedans et du dehors lui demande force, implication et compétences. Véritables
compétences à participer à la construction de son propre dispositif, à
construire une nouvelle logique d’action dans des espaces temps sociaux morcelés.
Un
dispositif a une dimension écologique et une validité cognitive,
affective et sociale. Il prend corps et en cela joue le rôle de conteneur
(Kaës), d’espace potentiel. Cette dimension transitionnelle du
dispositif est fondatrice du développement de la personne, agissant comme « zone
d’adéquation cognitive » (Belin, 2000 : 254, Winnicott, 1973).
Un dispositif
accompagnant, est avant tout un dispositif intentionnel et attentionné.
Intentionnel en cela qu’il résulte de la convergence de l’intention conceptrice
et de l’intention utilisatrice. Il est construit dans une dynamique qui vise la
mise en place d’une interaction de tutelle. A la fois espace offreur, et espace
de médiation, espace où sont conjugués ressources humaines et matérielles,
enseignants, formateurs et tuteurs pour accompagner l’apprenant vers l’atteinte
de ses objectifs préalablement identifiés, reconnus et négociés.
Reprenant
le propos de Belin, les dispositifs sont bienveillants en cela qu’ils initient
l’ouverture et la reconnaissance de l’autre Belin,
2000. Cette bienveillance dispositive, est une capacité
instrumentale et humaine à accompagner l’apprenant dans ses activités
d’apprentissage et de socialisation.