Les
constats des enquêteurs exposent clairement la transversalité de fait des
divers modules d’enseignement dans les trois universités. Ils mettent en
exergue la corrélation des approches juridiques et de la recherche,
ils montrent des liaisons fortes entre les modules ingéniérie et
la formation en europe. En effet les rencontres, de personnes
occupant des postes à très hautes responsabilités, effectuées en particulier
dans le cadre de la mobilité géographique dans des pays européens, favorisent
la prise de conscience de la prégnance de la stratégie dans les
problèmes de la formation en général. Nous découvrons que la stratégie découle
de la « pratique pédagogique politique[3] »
qui dicte les conditions d’existence des formations, domaine strictement
réservé aux décideurs.
Dans
le cursus SIFA nos universités ont certainement valorisé les fonctions dites
d’ingénieur de formation sans réaliser que celui-ci se positionne dans un rôle
d’exécutant, certes de haut niveau. Celui-ci se trouve ainsi dans une posture
de courroie de transmission des décisions de la direction générale de son
entreprise. Ainsi les ingénieurs de formation permettent la réalisation de
« produits » de formation en liaison avec les « besoins »
de l’organisation et très accessoirement en relation avec les désirs des agents
visés. Dans les faits les ingénieurs deviennent des moyens spécifiques à
disposition des stratèges. La stratégie se confond avec les méthodes et les
moyens qu’utilisent les responsables des entreprises et les prescripteurs
institutionnels pour atteindre des objectifs économiques et avancer vers leurs
finalités. Aussi après mûres réflexions, prétendent-ils, ils en confient
la mise en œuvre et le suivi d’exécution à l’encadrement. Toutefois nous
rappelons que les théories et
l’observation des pratiques montrent que la décision[4]
se rapporte davantage à l’ambition du décideur qu’à sa rationalité. Elle
se justifie fréquemment a-posteriori. En formation elle porte un faible intérêt
aux personnes sauf en cas de présence de fortes représentations des personnels.
Les
entreprises (fussent-elles de formation) font partie intégrante d’un
environnement politique, culturel, économique, social. Toutefois, dans les
métiers de la formation on prend rarement en compte ces dimensions car il
existe d’autres instances qui s’en occupent !!! En effet, étant donné
qu’il dispose des moyens financiers, « le patronat s’investit de plus en
plus dans les affaires de la cité […et fait …] prévaloir ses conceptions
en matière d’emploi, de formation [5]».
En fait la formation se révèle un puissant levier sur les déroulements de
carrières donc sur la vie quotidienne et les comportements d’allégeance ou non
des salariés quant à leurs directions. Cependant il y a lieu de s’interroger
sur l’envahissement du champ de la formation par des « produits »
spécifiques pré-construits en particulier par certains membres de la table
ronde des industriels européens qui, à Bruxelles, dictent leurs directives à la
commission formation du conseil de l’Europe. De quels choix disposent les
formateurs et ingénieurs de formation quand ces puissants opérateurs prennent
le contrôle des supports, des réseaux informatiques et des contenus ?
Quels interstices de liberté peuvent encore s’octroyer les responsables de
formation, les consultants et les formateurs ? Que devient leur espace des
possibles [6]? Rappelons que « l’espace des possibles
est ce qui fait que les producteurs … sont…relativement autonomes par rapport
aux déterminations de l’environnement économique [7]»,
culturel, social et financier, ce qui semble éloigné de la situation des producteurs
que sont les formateurs.
Comment
ne pas succomber à ces diktats néolibéraux implicites, très peu
visibles car intégrés dans le discours généralisé en particulier par les
cadres et les médias, mais non virtuels ? Mais peut-on, veut-on les
voir ? Quelles formations pour comprendre ce qui se joue dans les
coulisses des pouvoirs ? Quelles sont les conditions sociales de
l’autonomie professionnelle ? De quelles manières influencer de façon
efficiente les stratégies de formation des décideurs ? Ceux-ci agissent
sous la férule constante des actionnaires qui considèrent l’entreprise comme «
un simple instrument pour la rentabilité financière …qu’on … [peut]
…manipuler…selon les aléas du marché [8]»
sans tenir compte des personnels engagés. D’aucuns diraient que l’on est
éloigné de la formation. Voire ! En effet il faut rendre l’organisation et
les employés flexibles, c’est-à-dire adaptables aux modifications incessantes
censées toujours accroître la productivité. Le marché de la formation
s’y conforme à souhait. On constate que le management instaure dans les faits
une idéologie du changement permanent qui devient la norme de l’entreprise
« moderne » qu’elle soit privée, semi-publique ou publique. Pourtant
des observations factuelles montrent qu’une informatisation médiocre, peut
provoquer davantage de pertes que les méthodes traditionnelles. Ceci ramène au
problème de la réflexion rationnelle sur la décision rationnelle !
Les mots
Une
nébuleuse
Nous
utilisons « naturellement » le lexique d’une pseudo communauté.
Venu insidieusement par les discours d’une certaine élite médiatique ce
vocabulaire confère aux utilisateurs une importance apparente dans les milieux
socio-économiques enveloppant la formation. Ainsi nous entendons, lisons,
écrivons, les mêmes mots dans les contextes qui exploitent le phénomène
formation. Néanmoins, le peu de conceptualisation de ces différentes notions
génère des discours répétitifs, rapidement stéréotypés qui entraînent des
incompréhensions voire des déconvenues. Les mots, porteurs d’idéologies, ne
peuvent, pour nous, être ainsi galvaudés. Pourtant, par une sorte d’effet de
leurre, ils servent d’alibis pour en éliminer d’autres et inoculer en douceur
de nouvelles valeurs «évidentes » pour des sous-classes de privilégiés qui
se pensent affiliés aux pouvoirs implicites. Nonobstant de par « les
asymétries de l’information [9]»
qui avantagent les tenants des capitaux financier, social, et culturel ils
peuvent nous entraîner vers « la grande désillusion [10]»
génératrice de ressentiments chez les exclus, de verbiage hermétique et parfois
de rancœur chez ceux qui s’imaginent appartenir aux élus.
Parmi
les termes séducteurs nous trouvons par exemple « moderne ». Ainsi
nous entendons : vous dirigez une entreprise moderne, créons une
république moderne, nous avons une conception moderne…. cependant les temps
modernes existent depuis longtemps !!! Ainsi… Taylor c’est fini !!!
Mais l’entreprise moderne devient « apprenante » cela signifie
qu’elle propose ou impose un travail avec un apprentissage adaptatif incorporé
pour, dit-elle, créer une organisation qualifiante, bien qu’elle annonce
simultanément que les qualifications n’existent plus ! Alors ? Vivent les compétences ! Il faut
dire qu’elles sont plus faciles à gérer pour les directions car, elles
sont individuelles ! Compétence, notion également peu précise,
disons même floue qui, dans un premier temps conduit vers un consensus apparent
mais souvent provoque des déceptions dans la mise en œuvre des opérations
professionnelles. Elle valorise aussi l’individualisation qui envahit
les discours sur les rémunérations, les parcours, les évaluations, et bien sûr
les formations. Ainsi cette « détermination sociale de la
particularisation assigne les individus à devenir de plus en plus dépendants du
processus mondial de valorisation du capital [11]»
ce qui ne constitue pas la finalité des étudiants de D.E.S.S. S.I.F.A. qui
visent leur émancipation.
L’apprenant
découvre qu’il est placé au centre des dispositifs. Que de monde au
centre !!! Et comment s’en échappe-t-il ? On voit bien que la
conceptualisation intéresse peu de monde, en effet si l’on parle d’un
« apprenant », c’est qu’il est essentiellement autonome, donc il
n’est pas nécessaire de « le placer » car il choisit lui-même, à
condition qu’il soit un « véritable » a-prenant ! On ne parle
plus d’élève, ça fait aussi « ringard » que de parler du système
éducatif. Toutefois les classes dirigeantes l’exploitent malgré tout, pour
valider leur capital économique et social par des diplômes (modernes ?)
universitaires. En effet l’arrivée de boursiers sur le champ social et
économique amène les héritiers à se battre pour s’approprier un capital
culturel supérieur et officiel qui justifie leurs compétences socio-économiques
et socio-politiques.
Industrialiser la formation pour réduire les coûts, vendre des
produits, des équipements, des programmes, devient un leitmotiv. Donc on
n’individualise pas toujours ! mais on fabrique à la chaîne des modules
préconstruits pour le plus grand nombre d’acheteurs possible. Bien que
disparu, le Taylorisme renaît dans la création, la fabrication, la distribution
des produits de formation et d’éducation ! La non prise en compte de
« l’apprenant » se dévoile ainsi de manière flagrante et, l’apologie
du cours, tant critiqué lorsqu’il est mené par un formateur singulier en
présentiel, revient insidieusement par les technologies de la
communication moderne ! Cette
apparente modernité facilite la supervision des individus et pourtant que ne
glose-t-on pas sur l’éthique !
La
marchandisation de la formation initiale et continue nous permet de nous
« apercevoir que la refondation néolibérale de l’école à la française est
en cours [12]» et
encourage à l’individualisme dès l’enfance mais encore davantage chez les
salariés. L’injonction de cette industrialisation c’est de garantir la
production des artisans de la croissance économique qui doivent devenir performants
sur le marché de l’emploi grâce aux formations adaptatives prescrites. Il
apparaît que nous évoluons dans un « marché de dupes dont…[ les salariés ]
…sont les premières victimes[13] »
car ils se doivent d’assurer un retour personnel sur un investissement rarement
choisi. Cette responsabilisation fictive individuelle isole et
déstabilise les personnes de plus en plus privées des médiateurs sociaux
écartés par la classe dirigeante qui ainsi « exerce un contrôle direct des
moyens de subsistance de la population [14]»
des salariés qu’elle qualifie ou disqualifie à sa convenance. En fait
l’antienne managériale rend souvent incompréhensible le sens des actions
envisagées et fragilise les acteurs dans leurs activités sociales et
professionnelles. Les professionnels de la
formation savent que « le pouvoir des paroles n’est autre chose que
le pouvoir délégué du porte-parole [15]»
qu’est le manager toujours intermédiaire et en délégation. Aussi il leur est
difficile de comprendre toutes les implications et d’agir de manière efficiente
pour les formés qu’ils reçoivent.
La
Formation Ouverte et A Distance [16]
( F.O.A.D ) occupe actuellement le « haut du pavé », en effet
après la vente des matériels à des usagers potentiels qui achètent aussi des
contenus et des accès, nous savons qu’internet peut diffuser des savoirs,
moyennant finance évidemment. La formation ouverte et distance serait-elle
aussi ouverte à tous qu’annoncé ? A quels apprenants
s’adresse-t-elle ? Dans les faits il est possible d’émettre et de recevoir
les messages partout … dans le monde occidental ( ! ) et, certains enquêtés
nous suggèrent d’envisager la possibilité d’élargir le module
« europe » pour le mondialiser. C’est une proposition des plus
intéressante et incontestablement elle mérite réflexion. S’agit-il d’un souhait
d’une plus grande connaissance des mondes occidentaux de la formation ?
Est-ce un désir d’aide par la formation à des peuples en difficultés ?
La
mondialisation, phénomène permanent des divers pouvoirs tout au long des
siècles, peut, nous le savons, apporter beaucoup à la qualité de vie de
l’ensemble de la planète. Toutefois elle est, aujourd’hui, source de critiques
multiples, aussi l’éthique nous impose quelques interrogations et réflexions. A
quels publics s’adressera-t-on ? Souhaitent-ils des interventions ?
De quels contenus et méthodes dispose-t-on ? Les produits préfabriqués
disponibles correspondent-ils aux besoins des populations ? Quels pays
privilégiera -t-on pour nos découvertes ? Ceux du monde occidental où l’on
trouve des nantis et de plus en plus de pauvres ou ceux des pays appelés
« en développement » et que les institutions financières
internationales, à force de les aider, rendent encore plus
exsangues ? Soulignons qu’à ce jour « l’impact dévastateur que peut
avoir la mondialisation sur les pays en développement et d’abord sur leurs
populations pauvres [17]»
accorde peu d’espoir à un champ des possibles pour leur formation. En effet la
fracture technologique fait que « la moitié des habitants de la planète
n’ont jamais donné un coup de téléphone et vivent à plus de cinq kilomètres
d’un poste téléphonique [18]». Ainsi
internet, qui permet de recevoir « Le savoir à domicile [19]»
semble souvent inaccessible et met en exergue « les conditions inégales
d’accès et de maîtrise des dispositifs [20]»
de formation dans le monde entier. Toutefois « alors que la moitié du
monde crève de faim, n’a même pas accès à l’eau potable [21]»
les technologies peuvent devenir un vecteur d’émancipation si l’homme devient
une fin et non exclusivement un moyen de leur développement incontrôlé.
En
ayant intégré ce minimum de connaissances du contexte international le D.E.S.S
pourra peut-être envisager sa propre mondialisation ! Cependant les
responsables pédagogiques se souviendront « qu’il n’y a pas de politique
sociale sans un mouvement social capable de l’imposer [22]».
En effet la formation pour les peuples de la paupérisation, à moins d’un dollar
par jour pour survivre, relève d’un mouvement social international. Les
multiples et difficiles tentatives de L’U.N.E.S.C.O pour l’éducation, en
témoignent. Elles nous suggèrent que, sans une prise en main des démarches
d’affranchissement par les personnes concernées, les interventions extérieures
risquent d’aggraver davantage les situations précaires (mot peu usité chez les
managers). La déontologie des métiers de la formation n’autorise en aucun cas
la complicité avec les exploiteurs de la pauvreté ou les promoteurs de
celle-ci, par institutions internationales ou multinationales interposées.
La
formation se rapporte à la transmission et/ou à l’acquisition des divers
savoirs. Elle joue un rôle incontournable dans la production des citoyens et
des acteurs socio-économiques, aussi une certaine sujétion s’installe par
rapport aux tenants des divers pouvoirs. Il en résulte que des termes porteurs
de valeurs non-visibles s’installent sournoisement dans le paysage social et
économique et deviennent des éléments structurant d’une construction doctrinale
insidieuse que nous incorporons souvent malgré nous. Les instances
politico-financières mondiales, leurs guerres commerciales et leur bonne gouvernance,
inoculent ces mots à leurs outils idéologiques et génèrent en catimini la globalisation
néolibérale. C’est dans ce contexte que naît la marchandisation des
produits de formation qui envahissent le monde. Et nous n’y pouvons rien !
Devenons-nous de simples réceptacles de produits-formation pré-digérés par et
pour des intérêts privés opposés à l’intérêt général et à celui des sujets
sociaux ? Acceptons-nous ce type de mercantilisme favorable à un
individualisme forcené et qui détruit la citoyenneté ? Bien qu’elle soit créatrice de multiples
améliorations des conditions de vie pour certains, cette mondialisation devenue néolibérale considère aussi l’homme
comme un moyen et non comme une fin. Ainsi il devra gérer sa ressource
humaine, de manière individualiste comme l’on gère les ressources
minières ou énergétiques. Il fait partie des richesses de l’entreprise, comme
l’insinuent les dirigeants qui s’appuient sur la théorie du capital humain.
L’individu devient ainsi une particule de capital[23],
mot non usité dans le monde du management moderne ! Celui-ci incite à se
construire en permanence un porte-feuille de compétences individuelles,
pour mieux éliminer ses concurrents.
Le
néolibéralisme ambiant qui utilise le discours des théories économiques pour
accaparer les pouvoirs politiques (en particulier sur la formation), investit
très fortement dans l’éradication des diverses structures à caractère collectif
qui peuvent peu ou prou favoriser l’émancipation des personnes. Il ambitionne
une expansion permanente. Cette dernière ressortit exclusivement à la création
et au fonctionnement sans entrave de marchés financiers lucratifs qui opèrent
en temps réels au niveau mondial. Les profits à court terme des actionnaires
constituent les uniques validations et le management se gargarise d’un
vocabulaire spécieux où règnent l’individualisation, l’implication,
l’investissement, la responsabilisation, la culture (d’entreprise), l’éthique,
les valeurs ….Vocabulaire qui s’immisce lentement mais sûrement dans le lexique
des formateurs formatés par les différents médias eux-mêmes pris, sans
critique, dans la spirale des notions qui paraissent modernes. Moderne,
nous l’avons vu, devient lui-même l’un des mots-clés imposés par la
politique néolibérale à la pseudo «jet-set » de la communication, du
management et de la formation. De cette manière la construction idéologique
semble aller de soi et apparaît comme la nouvelle normalité des classes qui se
croient élues.
La
Magie de « l’Auto »
Aux
confins des discussions apparaissent comme par effraction les vocables de l’Autoformation.
Celle-ci semble très prisée des encadrants. Que mettent-ils sous cette
appellation ? Les explications nous entraînent vers les formations à
distance ou par logiciels et en général ne semblent pas accorder une importance
significative aux choix du formé qui devra pourtant être capable de s’autoévaluer
dans ses pratiques professionnelles. Il est vrai que les travaux de
conceptualisation classent encore l’autoformation au rang de pré-notion et nous
indiquent qu’aujourd’hui nous devons re « Penser l’Autoformation [24]»
de façon à ne pas tromper les sujets sociaux apprenants. C’est l’un des
problèmes des formateurs qui, dans leur illusoire tentative
d’autonomisation des formés, deviennent
« de plus en plus dépendants du processus mondial de la
valorisation du capital [25]».
En effet ils ne possèdent pas les clés pour accéder aux conditions sociales
indispensables pour l’affranchissement des personnes qu’ils accompagnent. Il
apparaît bien que le développement de leurs capacités d’autodocumentation
c’est-à-dire que leur accès à la néoautodidaxie[26]
se révèle prioritaire.
Il
en découle, qu’aux dépens des organisations représentatives, l’individu se voit
valorisé, dans le verbe, et fortement sollicité pour son capital
de compétences, garant temporaire de son indispensable productivité.
Ces compétences s’obtiennent principalement par la formation qui se comporte en
sous-système de la société post-industrielle. Althusser l’aurait certainement
considéré comme un Appareil Idéologique d’Etat. Aussi la
formation s’industrialise elle-même, avec entre autre une production, très
flexible, d’opérateurs efficaces et, ses acteurs s’en félicitent !
Intervient bien sûr la démarche qualité avec, ses juste à temps, ses zéros
défauts et… ses zéros mépris pour les indispensables élus qui
réussissent ! Qui réussissent bien sûr, jusqu’à leur futur échec ! Et
alors ? C’est le chômage qui, comme prétendent les nantis, résulte de
la volonté exclusive de gagner davantage, c’est-à-dire du refus de
l’emploi moins bien rémunéré !!!! Industrialisons, industrialisez la
formation, pour éviter l‘exclusion ! Leitmotiv de cadres très très
supérieurs, parfois complices, parfois inconscients, parfois conscients,
désabusés s’ils attendent le moment où leurs propres obsolescences les
détruiront à leur tour car ils n’auront pas su garantir leur employabilité.
Pour
la grande satisfaction des champions du libéralisme les tenants de certaines
sciences de l’éducation se réfèrent à J.J Rousseau pour discourir sur
l’autoformation hors du contexte social. Acceptons, pour les apprentissages,
son triangle auto-hétéro-éco, c’est-à-dire les apprentissages par soi, les
autres, les choses, mais rappelons le peu de désir de J.J Rousseau pour l’affranchissement
du « bon sauvage ». Les apprentissages de savoirs étaient destinés
exclusivement aux possédants, mais ces auteurs omettent de le signaler.
Aujourd’hui alors que la subordination règne encore sans partage et que
conjointement un discours lénifiant prône l’autonomie, naît et se
perpétue une rivalité entre des agents lancés dans une illusoire conquête des
places et en conséquence dans l’élimination des moins
« performants ». Précarité, chômage, pauvreté croissante, résultent
de cette brutalité néolibérale, imposée à des individus qui perdent leur
citoyenneté et qui pourtant bénéficiaient paraît-il de l’égalité des chances.
Expression piégée et piégeante, en effet, comment la chance peut-elle se
constituer en facteur d’égalité ?
Ce
« matraquage » en boucles réitérées d’un flot de notions non définies
qui appartiennent au vocabulaire trivial des mondes de la formation et du
management à des fins de confusion, de domination, d’occultation des
conséquences sociales, économiques, politiques et culturelles se doit d’être
élucidé, analysé et … contrecarré. Et l’on parle toujours d’éthique,
toutefois nous n’accordons pas de quitus à des morales et des valeurs qui
négligent les parias.
L’engagement
militant des agents des métiers de la formation dans leurs missions, ne leur
offre pas souvent le luxe de la distanciation[27]
par rapport à leurs pratiques. Les divers contextes et pouvoirs soutiennent
rarement leurs exigences de qualification professionnelle. Ils nous ont
dit que le cycle du D.E.S.S, au travers des divers modules et en particulier
celui relatif à la recherche de troisième cycle, les amène à posséder des
capacités d’excentration. Celles-ci s’avèrent essentielles pour représenter,
conscientiser, analyser, formaliser les situations et les pratiques sociales
et…s’aventurer sur les voies de l’autonomisation.
2002
v.porterat @ fc.univ-nantes.fr
[1]. A. Rey, Dictionnaire Historique de la Langue Française, p. 2290.
[2]. J. P. Le Goff, Les Illusions du Management, La Découverte, Paris, 2000, p. 18.
[3]. G. Malglaive, Politique et pédagogie en formation d’adultes, Edilig, Paris, 1981.
[4]. L. Sfez, La Décision, P.U.F., Paris
[5]. J.P Le Goff, Les illusions du management, Paris, La découverte, 2OOO. P.141.
[6]. P. Bourdieu, Raisons Pratiques, Le Seuil, Paris, 1994, p. 61.
[7]. P. Bourdieu, ibid, p. 61
[8]. J.P. Le Goff, Op. cit, p. 145.
[9]. J. E . Stiglitz, La Grande Désillusion, Fayard, Paris, 2002, p. 19.
[10]. J. E. Stiglitz, La Grande Désillusion, Fayard, Paris, 2002.
[11]. J. Guigou. Critique des Systèmes de Formation des Adultes, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 287.
[12] . Y. Careil. Ecole Libérale, Ecole inégale, Paris, Nouveaux Regards, 2002, p. 9.
[13] . J. P. Le Goff. Op .cit. p. 23.
[14] . J. L. Rocca. Sur la Critique de la Mondialisation, Temps Critiques, Montpellier, 1998, N° 10, p. 87.
[15] . P. Bourdieu. Ce que Parler Veut Dire, Paris, Fayard, 1982, p. 105.
[16] . G. Le Meur. Université Ouverte, Formation Virtuelle et Apprentissage, Paris, l’Harmattan, 2002.
[17]. J.E. Stiglitz. Op .cit. p.17.
[18]. F. Gros, Sciences, Techniques et Mondialisation, in F. Barret-Ducrocq, Quelle Mondialisation ? Paris, Grasset, 2002, p. 186.
[19] . F. Henry, Le Savoir à Domicile, Montréal, P.U.M, 1985.
[20] . Ch. Suaud, Le Sujet Social Apprenant et le Non-Présentiel, in G. Le Meur, Université Ouverte, Formation virtuelle et apprentissage, L’Harmattan, Paris, 2002, p.412.
[21] . F. Gros, Ibid.
[22] . P. Bourdieu, Contre-feux 2, Raison d’Agir, Paris, 2001 ? p.16.
[23]. J. Guigou, Ibid, p. 14.
[24] . J. Dumazedier, Penser l’Autoformation, Chronique Sociale, Lyon, 2002.
[25] . J. Guigou, Ibid, p. 287.
[26] . G. Le Meur, Les Nouveaux Autodidactes, Néoautodidaxie et Formation, Chronique Sociale, Lyon, 1998.
[27] . N. Elias. Engagement et Distanciation, Paris, Fayard, 1983.