Nuages là-bas, merveilleux nuages
Il y a presque dix ans, en 2012 exactement, je fis à la Société Française de Philosophie un exposé intitulé « Monde et environnement ». Les ateliers nouvellement créés avaient proposé cette année-là « le monde » comme thème de réflexion. Je m’imaginai aussitôt les interminables ratiocinations du « pense menu » dont la philosophie universitaire semble s’être fait une spécialité et je formulai en quelques minutes un projet capable de bousculer tout cela. Après une analyse poussée de la machinerie climatique j’amorçai la réflexion proprement dite en ces termes : « Un nouveau nuage, baptisé Asperatus Undulatus, est en cours d’homologation. Quoique l’Organisation Météorologique Mondiale hésite à modifier son atlas des nuages, il faut se rendre à l’évidence : des formes et des localisations nouvelles apparaissent (Mammatus, nuages noctulescents aux latitudes moyennes ). Cette réticence est significative de notre difficulté à comprendre ce qui est en jeu dans notre représentation du monde. Quel statut assigner à ces nuages, en effet ? Formes nouvellement découvertes dont il s’agit d’élaborer le concept (pour ne pas dire l’ εἶδος) ou bien apparition de formes nouvelles induites ou rendues visibles par les modifications que nous faisons subir à ce que nous nommons encore notre environnement ? Notre représentation du réel est globalement inadéquate et elle fait désormais obstacle à une nécessaire prise de conscience. Il nous faudrait commencer par apprendre à penser le réel dans sa complexité et sa continuité c’est-à-dire renoncer à notre tropisme à la fois causaliste, analytique et substantialiste. » Eh bien, le cap est passé : en 2017 les nuages nouveaux, au nombre de onze, ont pris place dans l’Atlas international des nuages et l’OMM a enfin viré sa cuti. Je n’en dirais pas autant de la SFP.
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