La variation des prix d’une marchandise en fonction de l’offre et de la demande, se spécifie pour les produits agricoles par une hyper-volatilité. Schématiquement si l’offre s’effondre, le prix tend vers l’infini, du simple fait qu’on ne peut se dispenser de manger ; si l’offre croît de façon importante, le prix tend vers zéro, ces produits étant à la fois faiblement stockables et faiblement convertibles. C’est la loi de King. Diverses tensions apparues récemment se font ressentir sur ce marché : les aléas climatiques sont évidemment un facteur d’incertitude ; comme, selon toute probabilité, ils vont croître, il faut s’attendre à une augmentation générale des prix. Celle-ci sera entretenue par l’emprise croissante sur les terres disponibles de cultures destinées à produire les biocarburants s’ajoutant à celles déjà destinées à l’alimentation du bétail. Enfin depuis le début des années 2000 les boursicoteurs qui se sont avisés du potentiel de ce marché en termes de croissance des bénéfices, ont commencé à spéculer sur les céréales. Ces facteurs seront encore aggravés par l’interdiction des exportations en cas de pénurie, les états étant évidemment tenus de garantir la sécurité alimentaire des nationaux. Agnès Sinaï, dans un article d’août 2015 du Monde diplomatique, donne deux illustrations de cette fragilité : 2002-2008 Les ressources hydriques syriennes ont baissé de moitié, du fait d’une agriculture de rente irriguée. 2006-2011 Sécheresses sans précédent. => 1 500 000 paysans abandonnent leurs terres et viennent s’entasser dans les bidonvilles périurbains où ils entrent en con »it avec les réfugiés irakiens, arrivés là à la suite de l’invasion américaine de 2003. => L’Organisation de l’Etat islamique émerge et se répand en Syrie et en Irak. 2009-2011 La politique agricole désastreuse menée en Chine continentale (monoculture intensive, assèchement des sols, érosion éolienne, ensablement des villages, politique inadéquate de reboisement) aboutit, du fait de la sécheresse, à un effondrement des récoltes. L’Etat achète massivement des céréales sur le marché international. => Flambée des cours du blé => L’Egypte, premier importateur mondial de blé, subit le doublement du prix de la tonne ; le prix du pain est multiplié par 3. C’est la Révolution. Et personne n’est à l’abri. A titre d’illustration : 2016 en France. La récolte de blé tendre et d’orge s’annonce assez catastrophique dans l’hexagone. Les pluies et les inondations d’une part, le faible ensoleillement d’autre part devraient se traduire par une baisse des rendements de l’ordre de 20%. Par ailleurs l’humidité ambiante a empêché la formation des grains dans les épis, tout en favorisant la prolifération des agents pathogènes. Les réserves de 2015, particulièrement abondantes, devraient permettre de combler aisément la période de jointure, d’autant que les récoltes ont été bonnes ailleurs et que les prix resteront bas. On se trouve dans une configuration déjà rencontrée en 1984, 1998, 2007, 2010… avec, ces années-là, des tensions plus importantes sur le marché international des céréales… en attendant l’année de tous les dangers. Relativement à ces risques considérables, il existe deux écoles : le marché et la régulation. Pour les tenants du premier, le refus d’exporter les mauvaises années peut induire un raidissement des politiques nationales et faire perdre l’effet régulateur des gradients de productivité d’une région à l’autre, suscitant finalement une hausse des prix. Pour les partisans de la seconde, il s’agit de garantir la sécurité alimentaire sur le long terme, en particulier par le stockage des excédents qui permet de maintenir les prix dans les limites assurant à la fois l’accès de tous à une alimentation abordable et le maintien des agriculteurs par le biais de revenus décents. La solution de ce problème crucial réside probablement dans une régulation mondiale qui laisserait agir le marché dans les limites où il est bénéfique mais corrigerait par des politiques appropriées ses effets pervers.
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/ samedi, avril 10th, 2021