La mise en place des échanges marchands a impliqué, dès leur origine néolithique, le prélèvement de ressources gratuites dans le milieu, matières premières renouvelables ou non (bois d’oeuvre, métaux précieux) et services éco-systémiques (organismes terricoles). La logique de ce qu’on nomme le développement a incliné progressivement les acteurs économiques, par l’effet de ce qu’on nomme cette fois la rentabilité, à outrepasser les limites qui permettaient le renouvellement (coupes à
blanc, compactage des sols). La logique du marché – qui a très vite cessé de mériter son nom – s’est déplacée des échanges vers l’accumulation et le profit, induisant en particulier la production de biens de substitution (matériaux de construction, adjuvants agricoles). Un nouveau vecteur de développement a fait son apparition par l’induction de besoins nouveaux (dont la publicité est devenu l’outil privilégié). Le développement exponentiel des activités qui en résulte se traduit naturellement par
des prélèvements accrus sur les ressources disponibles. Leur effondrement engendre à son tour de nouvelles activités qui prélèveront de nouvelles ressources. Le cas de l’agriculture industrielle est emblématique de ce passage à ce qu’on peut nommer une « économie anomique » : transformation progressive du sol en simple support technique, anéantissement des services éco-systémiques, vente concomitante de
produits de remplacement (engrais, pesticides).
Dans un milieu clos un tel schéma trouve assez vite ses limites ; par exemple, pour l’agriculture, épuisement du phosphate servant à fabriquer les engrais, sélection de super-ravageurs qui contraignent à changer de cultivars au bout de quelques années, écarts croissants aux normales saisonnières du fait de la déstabilisation climatique induite par les émissions de GES et à terme, effondrement des récoltes.
L’aboutissement inéluctable de cette logique du « toujours plus » est donc la contre-productivité dans le meilleur des cas. De brillants économistes prétendront encore que les destructions engendrent de l’emploi et stimulent la créativité. C’est la « destruction créatrice ». Dans le pire des cas elle aboutira à un monde uniquement constitué d’espèces cosmopolites : des fourmis du type Aurea puntata et des lentilles
d’eau, à condition toutefois que les premières parviennent à muter à temps pour devenir végétariennes.