Capacité à maîtriser en profondeur de nombreux domaines de savoir, parfois très différents. Les polymathes sont rares et les figures historiques qui relèvent de cette catégories, à quelques exceptions près, sont demeurés généralement dans l’ombre, du fait de la valorisation de la spécialisation à outrance. En Occident cette spécialisation dérive elle-même de l’organisation médiévale de l’enseignement et relève, en dernière instance, de la nécessité de maintenir hors du domaine de la connaissance tout ce qui était susceptible de porter atteinte à l’hégémonie du christianisme institutionnel. L’enseignement de l’histoire est particulièrement révélateur de cette dérive idéologique ; la division infranchissable entre histoire antique et médiévale permet ainsi de laisser dans l’ombre les siècles décisifs pendant lesquels le christianisme, ayant finalement opté pour la voie césaro-papiste, met partout la main sur le pouvoir et entreprend méthodiquement la destruction des civilisations antiques. Les séquelles de cette organisations universitaires sont encore visibles aujourd’hui, par exemple dans le clivage entre paléo climatologues et climatologues qui interdit aux uns et aux autres de concevoir que la déstabilisation climatique a dores et déjà fait entrer l’Atlantique Nord dans un événement de Bond ; pour les premiers, c’est un événement du passé, pour les second, c’est seulement l’alternance glaciaire / interglaciaire qui caractérise le présent. La complexité conjointe des problématiques climatiques actuelles et de leurs implications sociales et sociétales exige d’inverser la tendance et de tâcher, au contraire, de former des polymathes. Quelques polymathes célèbres : Aristote, Shen Kuo, Léonard de Vinci, Descartes. Comme les polymathes sont généralement « en avance sur leur temps », on leur sait peu de gré de la pertinence de leurs jugements. Il suffit d’imaginer les interlocuteurs de Shen Kuo au XI° siècle, quand il leur déclarait qu’à son sens, l’huile de pierre (petrus oleum) lui paraissait promise à un grand avenir. Autre détail significatif : le mot lui-même n’a fait que très récemment son entrée dans le dictionnaire de l’Académie Française. Mais on sait que Richelieu avait précisément conçu cette docte assemblée pour écarter de l’usage tous les termes indésirables et les idées qui allaient avec ; autrement dit, contrôler les mots pour contrôler les pensées. D’où le caractère révolutionnaire de Voltaire et des encyclopédistes. Enfin le brave Émile Littré ouvrit à « polymathie » la porte de son dictionnaire.
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/ samedi, avril 10th, 2021