Capacité qu’a un individu, une communauté, un écosystème de s’adapter à un changement important de ses conditions de vie initiales. Pour l’individu il peut s’agir d’un traumatisme ; pour la communauté ou l’écosystème, d’une modification climatique ou géo-climatique impactant sensiblement le substrat sur lequel elle ou il était implanté(e). D’après « Le petit traité de la résilience locale » d’Agnès Sinaï, Raphaël Stevens, Hugo Carton et Pablo Servigne, la notion de résilience mobilise les concepts de robustesse, d’adaptation, de récupération, de réactivité, de transformation et de persistance. Livre remarquable répondant à l’impératif de penser l’avenir d’un monde de plus en plus incertain et la contrainte où nous serons de composer avec des limites désormais indépassables. Notre humanité, encore largement « oil dependant » qui se rue fébrilement sur tout ce qui peut faire tourner ses moteurs, au risque permanent de l’état de manque, doit pourtant apprendre à survivre sans sa drogue, ce qui implique notamment de réinventer les systèmes d’échanges et de reformater l’économie.
Si la résilience est l’essence même du vivant – lequel se caractérise, comme l’avait montré Georges Canguilhem, par la capacité à fixer sa propre norme – il n’est pourtant pas certain qu’on tienne là le concept clef de l’avenir de l’humanité. Les changements auxquels il faut s’attendre seront probablement si rapides et si brutaux qu’il est douteux que les communautés humaines puissent y faire face par de simples mesures adaptatives. Mais ce que notre espèce perd en capacité d’ajustement progressif, elle a le pouvoir de le compenser par son pouvoir d’anticiper.
La limite du pouvoir opérationnel de la notion de résilience, c’est que les petites communautés autonomes et harmonieuses dont rêvent les « collapsologues » reposent sur le postulat de la permanence des ressources locales. C’est une illusion. Qu’est-ce qui garantit que le ruisseau ne s’arrêtera pas un jour de couler de la montagne ? Que la nappe phréatique qui alimente le puits ne s’asséchera pas, faute de pluie ? Rien.
Les rétroactions peuvent se combiner entre elles. Pour reprendre le même exemple :
1° – C’est dans les eaux polaires que s’enclenche le cycle de captation biogéo- chimique du carbone, le seul qui soit durable. En Arctique, ce sont les ptéropodes, minuscules mollusques marins, qui captent ce carbone pour construire leur coquille et produire leur énergie. Mais la teneur accrue de l’atmosphère en dioxyde de carbone rend les eaux de surface de plus en plus acides et la métabolisation de ce carbone, de plus en plus difficile… ce qui induit une accumulation supplémentaire du carbone dans l’atmosphère, ce qui rend les eaux plus acides, ce qui rend plus difficile son utilisation biologique, etc…
Bilan probable des rétroactions arctiques : fermeture de l’un des deux puits biogéochimiques du carbone et accélération de la déstabilisation climatique.
2°- La fonte accrue de la banquise se traduit par une descente, aux latitudes plus basses, d’une eau froide mais de faible salinité et, par conséquent peu dense. La plongée des eaux refroidies provenant de la zone intertropicale se fait donc de plus en plus au sud. C’est un événement de Bond. On peut en attendre deux effets inverses : – un moindre réchauffement de la zone arctique, ce qui constitue une rétroaction négative.
– une modification des courants marins et du régime des vents, ce qui va au contraire accélérer la déstabilisation et, à terme, abolir la totalité des climats locaux. A cet égard il faut désormais parler de « basculement climatique ».