Espace d'expression du 
groupe de recherche sur l'autoformation

OBSERVATOIRE DES TECHNOLOGIES
POUR L'EDUCATION EN EUROPE
OBSERVATORY OF TECHNOLOGY FOR EDUCATION IN EUROPE
OBSERVATORIO DE TECNOLOGIAS PARA LA EDUCACION EN EUROPA


LE MULTIMEDIA DANS L'EDUCATION

Préface d'Apprendre par le multimédia par Serge Pouts-Lajus

La question des technologies dans l'éducation n'est plus une question neuve. Posée, dans sa forme actuelle, depuis le début des années 80, elle a fait l'objet de multiples analyses, recherches, hypothèses, expériences, plans d'équipement et de formation. Les technologies éducatives ont fait naître des espoirs, des vocations. Un embryon d'activité économique s'est constitué autour d'elles. On a beaucoup parlé, analysé, annoncé, agité les idées mais peut-être au bout du compte, moins dépensé pour comprendre et entretenir durablement l'usage de ces technologies, dans les établissements d'enseignement, au coeur de l'acte pédagogique.

Les leçons qu'il est posssible de tirer de ce passé foisonnant sont nombreuses et contradictoires. En premier lieu, la vague de progrès qui emporte les technologies de l'information et de la communication profite aux établissements d'enseignement, du moins à ceux qui acceptent de renouveler régulièrement leurs équipements matériels et logiciels. Les performances des machines croissent plus vite que leur prix ; la qualité d'usage des logiciels ne cesse de progresser. Mais simultanément, le progrès dans la qualité pédagogique des usages ne semble pas avoir suivi un rythme comparable. Au milieu des années 80, le succès du langage Logo dans des milliers d'écoles de presque tous les pays d'Europe et d'Amérique semblait ouvrir des perspectives d'applications éducatives de l'informatique neuves, riches, enthousiasmantes. Pourquoi cette extraordinaire mobilisation des enseignants pour Logo est-elle aujourd'hui presque entièrement éteinte ? Comment expliquer cette double surprise, celle du succès d'abord, celle du désenchantement ensuite ?

Pour expliquer le déphasage apparent entre la qualité objective de l'innovation technologique, celle des microprocesseurs, des mémoires, des débits, des fonctions, et celle beaucoup plus difficile à apprécier des performances pédagogiques qu'il est possible d'attacher à l'utilisation des instruments technologiques, il faut se méfier des arguments trop simples : les résistances de l'institution, le conservatisme des enseignants, la piètre qualité des logiciels. Le processus d'appropriation des technologies dans l'éducation et la formation s'inscrit dans l'histoire des systèmes éducatifs et dans le temps long de leur évolution : il connaît des phases, des moments qui ne peuvent être compris qu'au prix d'un examen très attentif de l'acte éducatif lui-même comme au contexte dans lequel il s'inscrit, celui de l'école, mais au-delà, celui de la société toute entière.

La vogue actuelle du multimédia et d'Internet ne doit pas faire oublier que la construction des connaissances individuelles exige d'autres moyens que la simple navigation libre dans une base d'information, fût-elle hypermédia, ou que l'échange de messages électroniques, fût-ce via un réseau planétaire. Il est normal que l'intuition des didacticiens joue en faveur des outils innovants, mais les vertus éducatives réelles de ces derniers doivent être recherchées au-delà des premières intuitions. Le crédit accordé un peu vite à la dérive ou au zapping par association d'idées sur Internet ou dans un cédérom, fait courir le risque d'une certaine régression dans l'usage pédagogique des technologies.

Nous entrons dans une époque charnière, pleine de promesses et d'incertitudes. Dans ces circonstances, l'analyse de l'évolution des représentations et des pratiques doit être conduite en référence, d'une part aux résultats de la recherche, d'autre part à l'évolution des pratiques de terrain, non pas des pratiques expérimentales qui se tiennent ponctuellement dans des pseudo écoles-laboratoires mais des pratiques authentiques qui s'inscrivent dans la durée vraie de la relation pédagogique. De ces évolutions, les grands médias ne pourront jamais rendre compte que de façon anecdotique et le plus souvent sous l'angle institutionnel ou sociologique. La recherche pédagogique, dominée au cours des dernières décennies par la vision fonctionnaliste et individualiste des sciences cognitives, s'attache davantage aujourd'hui à rendre compte des composantes culturelles et relationnelles du processus d'apprentissage. De plus en plus, elle tourne ses regards vers des écoles de pensée dont la domination du modèle piagétien l'avait tenu éloignée, celle des russes Luria et Vygotsky, de l'américain Bruner, des français Wallon et Meyerson. Ces modèles déplacent le point focal de la recherche, d'une part vers la relation entre les sujets, enseignants et élèves, d'autre part vers l'activité du sujet apprenant, non plus dirigée vers un savoir désincarné, mais au prise avec des objets bien réels qui médiatisent sa relation avec le monde.

Le multimédia et les réseaux de télécommunication offrent aujourd'hui aux créateurs d'applications et aux enseignants, des moyens très puissants pour enrichir l'environnement d'apprentissage des élèves, dans les contenus comme dans les possibilités d'échanges et de création. C'est l'un des mérites principaux de cet ouvrage que de présenter le panorama des analyses et des observations qui sont aujourd'hui celles des chercheurs et des praticiens dans ce domaine. Les récits d'observations et d'usages, les analyses qu'en font les experts reconnus qui signent cet ouvrage, leurs interrogations et leurs convictions, constituent une matière riche, pour les spécialistes, les enseignants, les auteurs d'applications, mais également pour les responsables politiques qu'il faut sans cesse convaincre que l'investissement technologique, bien employé, peut aider l'école à continuer de remplir sa mission dans un monde qui change.




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