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groupe de recherche sur l'autoformation

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Point sur la recherche


Au delà de l'autodidaxie ?
Georges Le Meur - Université de Nantes

L'action devance souvent la théorisation, l'opérationnalisation précède souvent la conceptualisation, la " pratique ne doit pas venir ... qu'une application de la théorie " (M. De Certeau). Il existe des centres de ressources, des formations individualisées, personnalisées, expérientielles, autodirigées, à distance, assistées par ordinateur ... qui se qualifient d'autoformation, pré-concept flou générateur de faux consensus, polysémie, discours commun voilant des idéologies contradictoires et des enjeux opposés. Ces diverses expériences, voire expérimentation se révèlent généralement intéressantes; cependant clarifier la notion semble de l'intérêt de tous, tout au moins de celui des acteurs de la formation et aussi de ceux que l'on appelle aujourd'hui des apprenants, concept qui mérite aussi d'être précisé.

Les bouleversements culturels et de civilisations généré par l'emprise croissante des institutions (école, armée, religion, famille, entreprise, administration ...) sur les personnes qu'elles traitent en individus provoquent des rébellions multiples aux diverses époques de l'existence dans toutes les classes sociales. De ces refus, de cette quête d'autonomie découlent des velléités autoformatives très puissantes qui se traduisent par des démarches des démarches d'éducation fortement motivée, librement choisies, organisées (contenus, méthodes, modes de travail ...) suivant les désirs des personnes. Phénomène psychologique que pourrait utiliser un organisme axé sur l'autoformation des apprenants. La société laisse les progrès scientifiques et technologiques se développer et ne veille pas toujours à la maintenance du niveau de " matière grise " de l'ensemble de ses membres. D'autre part, les obligations socio-professionnelles n'autorisent pas les personnes, qui pourtant doivent combattre l'obsolescence des connaissances à se rendre dans des formations instituées.

Nous sommes d'évidence en présence d'un phénomène qui est produit par le développement de la société; aujourd'hui les moyens sont pluriels, et l'autoformation apparaît massivement.

La notion ne plaît pas à tout un chacun, mais les significations varient d'un acteur à l'autre; dans les dispositifs organisés, malgré leur qualité souvent d'innovation, le dit " apprenant " dépend toujours de quelqu'un pour l'une au moins des phases de ses apprentissages et souvent pour la totalité : il en résulte bien qu'il ne vit pas une autoformation " intégrale ". Cependant elle existe depuis longtemps, par exemple dans les siècles passés sous des formes plus " rustiques ", car les indispensables institutions scolaires y préparant n'étaient accessibles qu'à une faible minorité. Ainsi, en réfléchissant avec les deux chercheurs français qui disent qu'il s'agir " d'une éducation systématique que l'individu se donne à lui-même " (J. Dumazedier) ou que c'est : " l'appropriation de sa formation par l'acteur social " (G. Pineau), nous proposons de considérer " l'autoformation comme démarche formative et/ou éducative non contrainte, à savoir librement décidée et pilotée complètement par l'acteur social " (G. Le Meur). Cette position amène évidemment à reconsidérer la notion et à la rapprocher du concept d'autodidaxie où le sujet garde un pouvoir total sur ses choix. Il semble que les véritables " s'autoformant " vivent des démarches autodactisantes insérées dans leur praxis qui se révèle leur principal moyen d'apprentissage et qui utilise les produits de la modernité ambiante pour comprendre (Maffesoli), critiquer (Lefèbvre), inventer (De Certeau) la vie quotidienne dans le travail et les temps libérés. C'est une démarche autonome, clarifiée, conscientisée qui utilise le contexte, les pairs, les experts dans tous les temps de l'agir pour découvrir le savoir. En allant des actes aux idées, elle évolue souvent vers la praxéologie, méthode réfléchie, finalisée et critique, car l'intentionnalité et l'autonomisation croissante conduisent avec les autres, vers la formalisation et la création de connaissances contenues dans les pratiques.

Et si les centres de formations initiales ou continues expérimentaient ce mode de travail néo-autodidactique ou encore praxéogogique?