Point sur la recherche
La formation expérientielle dans la galaxie de l'autoformation
Bernadette Courtois - AFPA
Une rencontre internationale organisée en 1989 conjointement
par l'AFPA, l'Université de Tours et le RIFREP avait permis
de confronter les apports nord-américains et européens
à la fois sur les différentes pratiques sociales
utilisant l'expérience formatrice et leur théorisation
:
- COURTOIS
B., PINEAU G. Et al., La formation expérientielle des adultes,
Documentation Française, 1991
Les mutations socioprofessionnelles, la nouvelle répartition
des temps sociaux créant de nouvelles combinatoires, la prise en compte des
individus en tant qu’acteurs sociaux ont questionné de façon nouvelle l’éducation
en ce qui concerne les adultes. Lz développement même de l’éducation
permanente amène les chercheurs et les formateurs à préciser la place que
peut prendre l’expérience.
L’expérience renvoi à des
situations de vie auxquelles est confrontée une personne en direct, sans médiation,
ni différé. Surgissement d’un inattendu qui fait éclater la forme antérieure,
elle nécessite un travail de réunification, de reconstruction. L’expérience
prend alors un autre statut : elle n’est pas un matériau sur lequel
s’exercent les vertus pédagogiques des formateurs ou des adultes eux-mêmes
mais réflexion sur une "forme" confrontée aux inattendus de la vie.
Le questionnement alors se déplace
sur le terme de formation et sur son association avec expérientiel. La
formation expérientielle n’est pas seulement un processus d’apprentissage
cognitif nouveau mais l’occasion pour l’adulte de travailler à sa forme,
par les ruptures événementielles de l’expérience individuelle et
collective.
Une première exploration des
possibilités formatives de l’expérience a été réalisée dans les
situations où elle peut être prise en compte, valorisée et validée.
Sommaire
PRÉFACE
........................................................................................
9
J. Germain
I. REPÉRAGE
DE LA FORMATION EXPÉRIENTIELLE
G.
de Villers ; L'expérience en formation d'adultes............................
....................................................
13
F. Landry : Vers une théorie de
l'apprentissage expérientiel .................. ..........................................
21
G. Pineau : Formation expérientielle
et théorie tripolaire de la formation.........
..................................
29
G. Bourgeault : La formation expérientielle
des adultes : perspectives nord-américaines et expériences québécoises....................
41
P. Dominicé
: La
formation expérientielle
: un concept importé pour penser la formation
...............................................
53
A. Pain : Éducation informelle :
les mots... et la chose.....................
.............................................
59
E. Gelpi : Nouveaux savoirs,
nouvelles luttes .............................
...................................................
67
II. LA FORMATION EXPÉRIENTIELLE DANS LE CHAMP SOCIAL
G. Jobert : La place
de l'expérience dans les entreprises ....................
...........................................
75
H. Desroche : Maïeutique
et recherche-action : connotations sur quelques scénarios en « formations expérientielles
................................
83
L Dumont : « L'expérience »
des adultes comme moyen pour eux de s'approprier leur formation et
« d'ouvrir » cette expérience .................... .........................................................................
101
C. Mathey-Pierre : La formation
en alternance comme formation expérientielle ?........
.................................
109
J. Unvoas : L'alternance comme
formation expérientielle : une autre logique institutionnelle de
formation...................................
115
M. Moyse : L'accompagnement d'une
expérience : la réadaptation des tétraplégiques et
paraplégiques récents ..................... ..................................................................................
119
A Lacroix : Former des médecins
à enseigner aux malades : comparaison de deux expériences de formation pédagogiques
.................
131
E. Ollagnier : L'expérience
dans les formations en entreprise................... .............................................
141
M. Jakubowicz : Formation
expérientielle et mobilité sociale : le cas limite des créateurs
d'entreprises...................................
149
N. Denoyel : Le « biais du gars
» : formation par l'expérience et culture de l'artisan 155
G. Bezzola : La formation expérientielle, instrument de la construction de
l'identité et d'un projet de
société futurs
?.............................. ...................................................................................
175
III. L'ÉMERGENCE D'UN CONCEPT, LES PISTES THÉORIQUES
ET INSTRUMENTALES DE LA FORMATION EXPÉRIENTIELLE
S. Enriotti
: Du vécu à la formation expérientielle ...........................
....................................................
183
C. Josso : L'expérience
formatrice : un concept en construction ..............
.......................................
191
A. Chêne et J.P.
Theil : Expérience, formation de la
personne et savoir-faire-sens ............................................... 201
E
Chauvel : Histoire de vie et formation expérientielle........................
...................................................
209
N. Roelens : Le
métabolisme de l'expérience en réalité et en identité............ .......................................
219
R. Barbier : Le
sujet existentiel et l'expérientialité mythe-poétique en situation de
formation............................................... .........................................................................
243
R. Robin : De l'improvisation éducative
à l'autorisation : une dynamique de formation et d'auto-formation...............................
255
P. Vermersch : L'entretien
d'explicitation dans la formation expérientielle organisée .. ..............................
271
D. Pasquier : La
formation expérientielle des adultes : essai d'exploration critique
de l'expression - quel rapport
avec l'éducabilité ?................. .............................................
285
F.
Serre : Efficacité dans
l'action....................................... .................................................................
291
L Toupin : Formation
expérientielle et transfert de connaissances ............. ......................................
305
C. Hétu : Formation
expérientielle et ethnométhodologie : tendances récentes dans l'étude du
travail.......................................
313
G. Bonvalot : Éléments
d'une définition de la formation expérientielle ............ .......................................
317
CONCLUSION
G. Pineau, B.
Courtois : L'enjeu de la prise en compte de la formation expérientielle : mise
en culture ou en
miettes d'arts de faire et de vivre
singuliers ... ...................................................................
327
BIBLIOGRAPHIE..................................................................................
333
- Apprendre par l'expérience - Education permanente
- N°100/101 - 1989
Une première définition était proposée
:
" Une formation expérientielle est une formation
par contact direct sans différé, mais réfléchie ".
L'expérience est distincte de l'immédiat de la vie
: le retour réflexif en est l'indicateur. " Le
contact direct " met l'accent sur l'importance du lien
entre la personne et la situation vécue : la personne est
auteur de son expérience. C'est par la nature de ce lien
et le mouvement réflexif que la formation expérientielle
se distingue d'une formation basée sur l'imprégnation
et le mimétisme.
L'expérience ne peut être réduite à
l'expérimentation se conformant aux seuls canons de la
méthode scientifique (résolution de problèmes;
méthodes de projet ...).
Si la formation expérientielle considère bien qu'une
situation d'action peut être source de savoir, comme la
praxéologie, elle s'inscrit dans les trois grands pôles
finalisants de, l'action, la compréhension et l'émancipation
correspondant aux trois types d'intérêt de connaissance
distingué par Habermas : technique, pratique, émancipatoire.
Se former par l'expérience ne permet pas seulement d'identifier
et de mettre en oeuvre des compétences et du savoir acquis
dans des situations de vie mais aussi d'examiner la manière
dont l'expérience construit l'auteur comme personne, acteur
social, historique, culturel.
LA FORMATION EXPERIENTIELLE ARTICULE AUTO ET ECOFORMATION
Au sein d'une théorie tri-polaire de la Formation (G. Pineau)
reprenant les trois grands maîtres de Rousseau. : Soi, les
Autres, le Monde, la formation expérientielle relie les
pôles Auto et Eco. Le pôle " Auto "Formation
se caractérise par une " dynamique vitale de
la mise en forme " de la personne conçue non
seulement comme sujet psychologique, mais comme système
personne (G. Lerbet) multidimensionnel.
Le " s'auto-formant " a la double préoccupation
d'être conscient et de développer sa conscience de
la manière dont il est formé par les autres et le
Monde, et de prendre le pouvoir sur sa forme. En formation expérientielle,
il participe au choix de la situation d'expérience sur
laquelle s'exerce sa réflexion, il s'autorise à
formuler le sens de son expérience dans les trois acceptions
du terme : des finalités, des significations, du sensoriel.
TRANSFORMER L'EXPERIENCE : LE SENS, LE SAVOIR, LA DYNAMIQUE IDENTITAIRE
Cette expérience réfléchie transforme l'expérience.
Cette transformation porte sur le sens, le savoir, la dynamique
identitaire des auteurs d'expériences.
Dans cette articulation Auto-formation et Formation expérientielle,
le pouvoir de donner sens est auto-investi par l'auteur de l'expérience
et ses interlocuteurs, car cette élaboration se fait par
confrontation de différents niveaux de sens : J. Mezirow
parle de transformation de perspective quand l'horizon de sens
remis en question par une réflexion sur l'expérience
incite le(s) auteur(s) à modifier représentations
et valeurs en les réorganisant.
Quand cette réflexion se fait au plan collectif, le médiateur
ou le médium n'est pas l'unique donneur de sens mais favorise
la prise en compte des différents niveaux de sens et leur
articulation. L'exploitation de l'expérience constitue
une situation de production socio-linguistique pour l'ensemble
des membres du collectif.
- les savoirs expérientiels
Ils sont importants à caractériser, car utilisés
socialement et peu reconnus.
Le savoir expérientiel est désigné comme
un " savoir local d'usage " (G. Pineau) ou
un " savoir pragmatique partagé au sein de la
communauté d'appartenance sensible au contexte locale "
(L. Toupin).
Savoir souvent issu des auteurs d'expérience eux-mêmes,
il correspond rarement au savoir d'une discipline et nécessite
des représentations complexes et sophistiquées basées
sur des savoirs très différents.
Dans l'élaboration de ces savoirs et leur articulation
claire aux savoir légitime, D. Kolb propose son modèle
d'apprentissage montrant les différents étapes de
transformation de l'expérience en savoir (La formation
en situation de travail : une formation expérientielle
ambiguë, in Education Permanente, Les Organisations qualifiantes,
n°112, 1992 - L'enjeu des tuteurs, BOULET V.P., COURTOIS
B. Collab., Dunod, 1992). L. Toupin insiste sur l'utilité
d'analyser la " sphère de pertinence "
de l'expérience pour rendre possible le transfert et la
transmissibilité du savoir formulé.
- la dynamique de transformation identitaire
Dans une société où par son appartenance
à différentes sphères, l'individu rejoue
sans cesse engagement et retrait dans chacune de ses sphères,
l'immersion dans le monde vécus d'expérience de
vie et de vie professionnelle alimente de façon importante
l'évolution identitaire. Ce processus résulte d'une
double transaction (C. Dubar) : une transaction biographique et
une transaction relationnelle et structurelle. Ce double mouvement
s'inscrit dans une déstructuration-restructuration permanente
des " formes identitaires ".
L'articulation Formation Expérientielle - Auto Formation
participe du renversement de paradigme à l'oeuvre dans
la formation. Elle propose des pistes de réflexion à
l'évolution du champ et des positionnements des acteurs
au sein d'une société éducative en mutation.
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