Point sur la recherche
Culture, médias et autoformation
Gérard Mlekuz - CUEEP Lille
En une vingtaine d'années, la société française
a connu de profondes mutations tant de la demande que de l'offre
de biens culturels. L'un des traits essentiels de cette évolution
est l'arrivée massive de biens audiovisuels et l'augmentation
de leur usage. On assiste aujourd'hui à l'émergence
d'une individualisation du rapport des individus à la culture
audiovisuelle et l'on peut estimer que cette tendance, compte
tenu des innovations techniques à venir, ira en se développant.
En effet, de nouvelles " machines à communiquer ",
de nouveaux " grands espaces " de communication
sont annoncés. Le 13 décembre 1994 est née
la chaîne du savoir, de la formation et de l'emploi. Demain,
dans notre vie quotidienne, feront irruption les " autoroutes
de l'information ". Déjà le baladeur,
l'autoradio, les cassettes, les images de la publicité
accompagnent nos déplacements.
Selon Régis Debray, " Trois grands cycles historiques
s'achèvent sous nos yeux et se dérobent sous nos
pieds. Le cycle ouvrier : un siècle, le cycle 1789 : deux
siècles, le cycle de l'écrit : trois siècles.
Les trois ensemble, cela donne le vertige! ". Un nouveau
cycle s'annonce : celui de la videosphère. Une nouvelle
" Science " : la Médiologie apparaît
sur la scène universitaire (DEBRAY Régis, Cours
de Médiologie Générale, Gallimard, 1991).
D'un point de vue de praticien de l'éducation des adultes,
militant de l'autoformation, il me semble urgent de prendre la
mesure de ce que Joffre Dumazedier appelle " La dynamique
éducative potentielle de la société médiatique "
(DUMAZEDIER Joffre, Vers une socio-pédagogie de l'autoformation,
Colloque européen de Nantes, 17-18 novembre 1994).
Quatre angles d'approche fondent mes préoccupations actuelles
:
- La culture audiovisuelle d'appartement
Comment se constitue-t-elle? Qu'est-ce qui la détermine?
Peut-on mieux identifier le processus de personnalisation du dispositif
de construction et d'usage des biens audiovisuels? Est-il révélateur,
comme nous le pressentons, de préoccupations faisant écho
à la notion d'autodirection appliquée à l'univers
des médias? Comment les institutions culturelles et les
institutions éducatives peuvent-elles accompagner ce processus
d'individualisation et consolider les capacités à
s'autodévelopper, à s'autodiriger qu'il recèle?
- La télévision et les modes d'apprentissage
Utilisée en synergie avec d'autres moyens (livres, cassettes,
émissions de radio, logiciels, etc.) et prise en relais
par des institutions éducatives et culturelles (formes
de réception collective, constitution de banque de données
audiovisuelles), la télévision pourrait devenir
l'un des éléments centraux de dispositifs de formation
ouverte qui reste à inventer. La chaîne du savoir,
de la formation, de l'emploi s'engagera-t-elle dans cette voie?
Ce type de dispositif serait aussi à concevoir pour renouveler
la formation des acteurs de l'éducation des adultes et
en particulier la formation des formateurs.
- L'éducation et les médias
La question n'est pas nouvelle. Elle n'est toujours pas résolue.
Une approche intégrant la dimension autoformative est à
inventer. Comment peut-on encore parler de citoyenneté,
de qualification sociale, de compétences de troisième
type sans intégrer cette indispensable éducation
aux médias?
S'il est vrai que nous sommes entrés dans le cycle de la
" vidéosphère " que fait-on
pour rendre les individus capables de vivre cette époque?
Faudra-t-il aller jusqu'au bout de la crise qui s'annonce : celle
de la citoyenneté?
- Les autoroutes de l'information
Trois petites interrogations à ce propos :
- qui pourra accéder à ces autoroutes?
Seront-elles à " péage " (dans
tous les sens du " capital " exigé)
et réservées aux privilégiés des nouvelles
technologies?
- Qui se préoccupe de concevoir le permis de conduire
sur ces autoroutes? Comment s'emparer de cette question? Autodirection
et multimédias : un chantier à ouvrir?
Quel sens prendra l'éducatif dans un univers de " banques "
de multimédias, d'euro-américano boulevards de la
communication pédagogique planétaire? Que deviendront
les " omnibus formatifs " de l'Ardèche?
Sera-t-il réduit à " ces quelques grammes
de tendresse dans un monde de brutes " dont parle la
publicité? Slogan que l'on pourrait d'ailleurs détourner
dès à présent pour lancer une campagne de
promotion en faveur de l'autoformation? Cette dernière
n'est-elle pas au regard des formes scolarisées d'éducation
ce que le chocolat suisse est aux confiseries ordinaires?
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